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Deux notices écrites au XIXe siècle, mais toujours valides, sur cet important géographe, bibliographe et historien qui est la source principale de la Bibliothèque orientale d'Herbelot. Avec un essai de bibliographie.

Katib Tchelebi, Katib Çelebi, Hâdji Khâlifa (1609-1657)

Hadjy-Khalfa, ou plus correctement Khalyfah, dont le véritable nom est Moustafa fils d'Ab-allah, mais qui est aussi désigné sous celui de Catib-Tchélébi, historien et savant bibliographe, était natif de Constantinople. Il fut premier secrétaire et ministre des finances d'Amurath IV [Murat IV], et mourut dans sa ville natale, en dzoulhedjab 1068 de l'hégire (septembre 1658 de notre ère).
Doué d'une grande activité, des dispositions les plus heureuses, et passionné pour l'étude, il mit successivement au jour plusieurs ouvrages qui attestent l'excellence de sa critique, et son immense érudition.
Le plus considérable de tous est sa bibliothèque orientale, intitulée Kechf eldkonoun fy asmâ Koutoub oualfonoun [Keşfü'z-Zünûn an Esâmi'l-Kütüb vel-Fünûn, écrit en arabe], c'est-à-dire Découverte des pensées touchant les livres et les genres. Elle contient, dans l'ordre alphabétique arabe, la notice de dix-huit mille cinq cent cinquante ouvrages, arabes, persans, turcs, avec les noms des auteurs de chacun et l'indication des principales circonstances de leur vie, depuis l'époque de l'hégire jusqu'à l'an 1028 de cette ère. C'est le livre classique le plus complet qu'aient sur cette matière les Arabes et les mahométans. Il a servi de modèle et de guide à d'Herbelot pour la compilation de sa bibliothèque orientale. L'ouvrage de Hadjy-Khalfâ existe en manuscrit dans la bibliothèque de Paris, sous les numéros 755 et 875. Deux autres copies sont à Bologne et à Rome au Vatican. Pétis de la Croix en a fait une traduction française qui se trouve à la Bibliothèque de Paris. M de Hammer en a donné un extrait assez ample dans l'Aperçu encyclopédique des sciences de l'Orient, imprimé en allemand à Leipsick en 1804 ; mais cet extrait n'est pas toujours fidèle. Il est précédé d'une biographie de Hadjy Khalfâ, écrite par lui-même.
- Le second ouvrage de cet auteur consiste dans ses tables chronologiques (Tacouym allavarykh) [Takvim-üt-Tevârîh], écrites en turc, mais, comme il le dit lui-même, composées d'abord en persan. Elles commencent à la création d'Adam, que l'auteur place 6216 ans avant l'hégire; mais elles ont pour objet spécial les fastes des mahométans, et vont jusqu'à l'an 1050 de l'hégire (1640 de notre ère). Elles furent imprimées à Constantinople même en 1733, petit in-folio de 247 feuillets, précédées de la vie de l'auteur, déjà indiquée ci-dessus. Simon Assemani a donné un assez long extrait de cette chronique dans le catalogue des manuscrits de la bibliothèque Nani, où elle se trouvait, Padoue, 1787, 2 vol. in-4°. Koehler en a fait une copie fort exacte d'après un manuscrit de Dresde. Il y a joint une version latine et un commentaire. Reiske, qui faisait un très-grand cas du travail de Khalfâ, a composé des "Prodidagmata ad Hagii librum memorialem rerum à Muhammedanis gestarum". Ces instructions se lisent à la fin de l'édition qu'a donnée Reiske des tables de la Syrie par Aboul-Fédâ, Leipsick, 1768. Meusel les a insérées aussi dans son édition de la bibliothèque historique de Struvius, volume 2, partie 1, p. 107. Les tables de Hadjy-Khalfâ ont encore été traduites en italien par J.-R. Carli, drogman de Capo d'Istria, et publiées à Venise en 1697. Cette traduction est fort rare, et offre des additions qui ne sont pas dans le texte imprimé depuis ; Toderini en cite quelques exemples. Galland en à fait aussi une version française abrégée.
- Le troisième ouvrage de Hadjy-Khalfâ est une géographie, composée en arabe, et traduits en turc par Ibrahim-Effendi, qui l'a imprimée à Constantinople en 1145 (1732), et contient 698 feuillets et 39 cartes gravées; elle est intitulée Djihân-numa [Cihannümâ] (Miroir ou Théâtre du monde) [lire un extrait] . Norberg l'a aussi traduite en latin; et il en a publié deux fragments, en turc et en latin, dans les Essais académiques, Leipsick , 1784. Une version française de cet atlas turc existe dans la Bibliothèque de Paris. La partie géographique de cet ouvrage est tirée, en grande partie, de l'atlas de Mercator ; mais elle a beaucoup d'importance pour l'orthographe du noms orientaux et pour un grand nombre d'additions et de corrections dans les pays soumis à l'empire ottoman. La partie historique, qui est bien plus considérable, renferme aussi des particularités qu'on ne voit point ailleurs.
On a encore de Hadjy-Khalfâ :
1° une histoire des guerres maritimes des Ottomans, sous le titre de Tohfeh alkobbar fy asfar el bahhar [Tuhfet-ül Kibâr fï Esfâr-il Bihâr] (c'est-à-dire Don aux grands), par Catib-Tchélébi. Cette histoire a été publiée à Constantinople en 1728, in-folio de 75 feuillets avec cinq cartes ou figures.
Tohfeh alakbar (Avertissements agréables);
Constantinyeh Tarykh [Târih-i Kostantiniyye ve Kayâsire](Histoire de Constantinople). D'Herbelot ne la connaissait pas quand il a dit que les musulmans n'avaient aucune histoire ou description de cette ville, depuis qu'elle était tombée en leur puissance.
Tarykh kébyr (Grande Histoire), depuis la création jusqu'à l'an 1065 (1654), et d'autres ouvrages non imprimés, dont Toderini donne la liste dans sa Littérature des Turcs (t. 5, p. 30 de la traduction française).
On peut consulter, sur Hadjy-Khalfâ, Assemani dans sa Bibliothèque orientale, Sturmer dans sa Littérature turque, Koehler dans son Répertoire de littérature orientale, les Lettres de Biornstaehl, et les Choses mémorables de la bibliothèque de Nuremberg, par de Murr.   
J-N, notice de Michaud, Biographie universelle, 1857

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Essai de bibliographie

Description de l'Asie Mineure extraite de la Géographie turque de Hadji-Khalfa, surnommé Kiatib-Tchélébi, imprimée pour la première fois sur la traduction manuscrite d'Armain, déposée à la Bibliothèque Royale de Paris
in Vivien de Saint-Martin, Description historique et géographique de l'Asie mineure...
Paris, 1852
Cette traduction se trouve à la fin du volume.
Nous reproduisons la préface de Reinaud et celle d'Armain.

Dictionnaire bibliographique musulman
Constantinople, 1893, in-4°

Gihan Numa, geographia orientalis
ex turcico in latinum versa a Matth. Norberg
Londini Gothorum, 1818
2 vol. in-8°, traduit par Matthias Norberg

History of the maritime wars of the Turks
, translated of Hadji Khalifeh by James Mitchell.
London, printed by the Oriental Translation Fund... 1831

Keşf-el-zunun. 1nci [-2nci] cilt... Şerefettin Yaltkaya ile... Kilisli Rifat Bilge tarafından hazirlanmıştır. [Mukaddime, yazan : Hasan Âli Yücel. Gustav Flügel'in lâtince Kaşf al-ẓunūn tercümesine yazdıǧi mukkadime.]
Istanbul, Maarif vekâleti, 1941-1943. 2 vol. in-fol. édité par Bilge Rifat, texte en arabe avec préface et introduction en turc

Kitâb-ı Cihânnümâ
Kostantiniyye [Istanbul], Darü't-tıbaati'l-Âmire, 1145 [1732]
[4]-698-[22] p.,  illustrations
Imprimé par Ibrahim Müteferrika

Lexicon bibliographicum et encyclopaedicum a Mustafa ben Addallah Katib Jelebi dicto et nomine Haji Khalifa celebrato compositum. Ad codicum vindobonensium parisiensium et berolinensis primum edidit latine vertit et commentario indicibusque instruxit Gustave Fluegel Scholae regiae afranae quae misenae in Saxonia floret professor.
Leipzig, published by the Oriental Translation Fund of Great Britain and Ireland, A. J. Valpy, Red Lion Court, Fleet street, London, 1835-1858
8 volumes in-4

Mizânü'l-hak fï ihtiyâri'l-ehak

2. defa ...tab olundu
[Istanbul], Ali Rıza Efendi matbaasında, 1286 [1870]
147 p.

Rumeli und Bosna geographisch
beschrieben von Mustafa Ben Abdalla Hadschi Chalfa.
Aus dem Türkischen übersetzt von Joseph Hammer...
Wien, Im Verlage des Kunst- und Industrie-Comptoirs, 1812

Seçmeler ; haz. Orhan Şaik Gökyay
Istanbul, Devlet kitapları, 1968
1 vol. (IV-580 p.), choix de textes

Takvim ül-tevârih
Kostantiniyye [Istanbul] : Darü't-tıbaati'l-Âmire, 1146 [1733]
[11]-245 p. ; in-4, imprimé par Müteferrika

Tuhfet ül-kibâr fï efsâri'l-bihâr
Kostantiniyye [Istanbul], Darü't-tıbaati'l-Mamure, 1141 [1729]
[6]-75-[2] ff., cartes ; in-4, imprimé par Müteferrika

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Extrait de Vivien de Saint-Martin, Description historique et géographique de l'Asie mineure... Paris, 1852

On sait assez de quelle importance est la lecture du écrivains orientaux pour la connaissance des pays et des peuples de l'Orient. Il est toujours utile, dans l'étude des contrées étrangères, de remonter aux sources les plus pures et les plus directes ; et cette utilité devient bien plus grande encore, quand ces écrivains, historiens ou géographes, s'occupant d'une manière spéciale de leur propre pays ou des provinces qu'eux-mêmes ont visitées, les notions qu'ils nous en donnent acquièrent ainsi toute la valeur d'une relation personnelle. Tel est, au moins à certains égards, le caractère de la Géographie de Hadji-Khalfa par rapport aux contrées soumises au sceptre ottoman. Si les parties de cette Géographie relatives aux autres pays de l'Asie furent principalement composées d'après les ouvrages antérieurs des principaux géographes arabes et persans, il est aisé de voir, aux détails dans lesquels entre l'auteur quand il arrive aux provinces ottomanes, qu'il écrit ici sur des mémoires bien autrement précis et circonstanciés. L'auteur, en effet, qui exerçait près de la Porte un emploi important d'administration publique, avait dans ses attributions spéciales les pachaliks de la Natolie [Anatolie], et il eut ainsi à sa disposition des documents géographiques et statistiques qu'il ne négligea pas de mettre à profit.

Le nom véritable de Hadji-Khalfa était Moustafa-ben-Abdallah ; son surnom de Hadji-Khalfa est composé des deux mots arabes Hadji (Pèlerin), et khalfa (assesseur, sous-chef). Selon l'usage des Musulmans, il prit le surnom de Hadji lorsqu'il se fut acquitté du pèlerinage de la Mekke, en l'année 1043 de l'hégire, laquelle répond à l'an 1633 de Jésus-Christ ; et il y ajouta celui de Khalfa quand il fut pourvu de la place d'assesseur en second dans le bureau du Basch-Mohaseb, ou chef de la Comptabilité. On le connait, aussi sous le nom de Kiatib-Tchélébi [Katib Çelebi]. Son père avait rempli une place de secrétaire à la Porte, ce qui lui avait valu le surnom de kiatib, ou katib, dont son fils hérita ; tchélébi [çelebi] est, comme on sait, un mot turk désignant un homme d'une naissance honnête, le gentleman des Anglais. Hadji-Khalfa mourut en 1657 (1068 de l'hégire), neuf ans après l'apparition de son grand ouvrage géographique, auquel il avait donné le titre de Djihan-Numa, le Miroir du Monde.

On a lieu de s'étonner que le Djihan-Numa n'ait jamais été imprimé dans une langue européenne [Sauf la Description de la Roumélie ou Turquie d'Europe, traduite du turk en allemand par M. de Hammer et publiée à Vienne en 1812. Le célébre Mathias Norberg professeur de langues orientales à l'Université danoise de Lunden, avait longtemps auparavant annoncé la traduction latine complète du Djihan-Numa; cette version n'a pas été publiée.] ; la partie principale de ce grand ouvrage, celle qui se rapporte à l'Asie, a cependant été traduite en français et déposée dans la Bibliothèque du Roi, il y a maintenant précisément un siècle, par le savant et laborieux Armain, un des employés du cabinet des Manuscrits. Le Géographe Turk, comme on désigne communément l'auteur du Djihan-Numa, a d'ailleurs été hautement apprécié par tous les hommes compétents. On sait l'usage fructueux que notre illustre d'Anville en a fait pour la rédaction de cartes de l'Asie Occidentale, de 1748 à 1760 ; et le savant Sainte-Croix, qui avait consulté fréquemment la traduction d'Armain, dit de cette Géographie, dans son Mémoire sur la Médie composé en 1793 : "Elle mériterait d'autant plus d'être imprimée, qu'on y trouve des détails qu'on chercherait vainement ailleurs [Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. L , p. 140.]"

Nous avons cru servir les lettres et la géographie orientale, en contribuant autant qu'il est en nous, par l'impression du Djihan-Numa, à combler cette lacune regrettable. La partie déjà fort étendue que nous en donnons quant à présent, sera successivement suivie, nous l'espérons, des autres portions de l'ouvrage de Hadji-Khalfa qui rentrent dans le cadre des différents volumes que nous consacrons à l'Asie-Antérieure. Nous mettrons ainsi à la disposition de tous un livre précieux qui n'a été jusqu'à présent qu'à la portée d'un petit nombre. Ce livre n'est pas seulement curieux comme monument de la littérature asiatique et comme tenant une place éminente parmi les compositions géographiques que nous devons à l'Orient : il peut être encore, même aujourd'hui, d'une utilité directe, au moins à titre de renseignements et d'indications, pour la géographie d'une foule de cantons imparfaitement explorés par nos voyageurs.

Nous aurions pu multiplier nos annotations ; nous nous sommes au contraire attaché à les restreindre, nous bornant à signaler les points principaux du texte de notre auteur sur lesquels les explorations modernes fournissent de notables rectifications, ou ceux qui éclairent et complètent les relations européennes. Nous nous sommes pareillement interdit de retoucher le style un peu vieilli ,et souvent négligé du traducteur, si ce n'est çà et là pour quelques corrections purement grammaticales, parmi les plus nécessaires. Un travail poussé plus à fond aurait exigé une connaissance que nous n'avons pas, celle de la langue turque. Nous serions heureux que notre publication donnât à un orientaliste l'idée d'entreprendre ce travail.

Nous faisons précéder le texte de Hadji-Khalfa de deux morceaux qui en forment l'introduction naturelle : le premier est une notice principalement bibliographique sur le Djihan-Numa, notice que nous devons à la bienveillance de M. Reinaud, un des Conservateurs du Département dés Manuscrits de la Bibliothèque du Roi ; l'autre est la Préface même dont Armain a fait précéder sa traduction.

Parmi les détails nombreux que ce dernier morceau renferme, on trouve une curieuse particularité que nous sachions pas avoir été remarquée, sur certaines circonstances qui précédèrent la composition du Djihan-Numa. Nous voyons par là que ce fut un Français qui porta en Turquie les premières notions de géographie générale qui aient eu cours parmi les Ottomans, et même, on a lieu de le croire, qui contribua à donner une direction géographique aux études de Hadji-Khalfa. Pour nous, Français, qui à toutes les époques avons eu une si large part dans les explorations de l'Asie-Ottomane, c'est là un  titre de plus qui recommande à notre intérêt l'oeuvre du Géographe Turk.

NOTICE SUR LE DJIHAN-NUMA
, Géographie turque, qui contient la description de l'Asie, par Kiatib-Tchéléby, autrement dit Hadji-Khalfa, ouvrage imprimé à Constantinople, et traduit en français pour la Bibliothèque du Roi, par M. Armain.

par M. Reinaud, conservateur au département des Manuscrits de la Bibliothèque royale.

Hadji-Khalfa est le même qui a composé plusieurs autres ouvrages, entre autres un Dictionnaire bibliographique des livres arabes, persans et turks. Sa géographie était originairement écrite en arabe, et contenait une description de l'Asie, de l'Afrique de l'Europe et de l'Amérique; elle parut en 1058 de l'hégire (1648 de J. -C.), et était surtout appuyée sur les anciens géographes arabes Kazwini Aboulféda Ibn-al-Wardi, Yacouti, etc., ainsi qu'on le lisait dans la préface. Le fameux lbrahim Aga Mutefarica [Muteferika], fondateur d'une imprimerie turque à Constantinople, ayant résolu de publier cette géographie, la traduisit en turc, et l'enrichit de cartes [Ces cartes, qui font partie de l'exemplaire original sur lequel Armain a fait sa traduction, et qui est aujourd'hui déposé aux imprimés de la Bibliothèque Roy, sont toutes tirées des Atlas européens de l'époque.] et de prolégomènes considérables. Ces prolégomènes consistent dans un traité de la sphère céleste, et du globe terrestre, des mathématiques, des vents, des points cardinaux, des éléments, etc. Le tout est accompagné d'une description de la terre en commençant l'Asie orientale. Ibrahim a fait çà et là des additions considérables au texte. Le premier volume de cette édition turque, qui comprenait toute l'Asie fut imprimé à Constantinople en 1145 de l'hégire (1732 de J.-C.). Le second, qui devait traiter des trois autres parties du Monde, n'a jamais vu le jour.
M. Armain a fait sa traduction sur le volume imprimé; mais il en a supprimé les prolégomènes et la partie de la description, qui traite de la Chine, du Japon et des îles de l'Océan Indien, vu que ce qui est dit à ce sujet est tout entier tiré de nos livres européens, ce qui en rendait pour nous la lecture à peu près inutile ; il a commencé à l'article du Khataï et de l'Inde.

Ainsi, l'édition imprimée et la traduction française ne contiennent que l'Asie parmi les parties qui manquent, les seules qui auraient pour nous de l'intérêt sont l'Afrique septentrionale et la Turquie d'Europe [La partie de l'ouvrage de Hadji-Khalfa qui traite de la Turquie d'Europe (la Roumélie) a depuis été traduite en allemand par M de Hammer. Voyez ci-après le numéro 39 de notre Bibliographie. (Y. de S. M.).], pays sur lesquels les  Turcs doivent naturellement avoir beaucoup plus de notions que nous.

PRÉFACE D'ARMAIN, auteur de la traduction française du Djihan-Numa.

Le Djihan-Numa est un Traité général de Géographie [Djihan-Numa, mot persan composé, qui signale Démonstratlon du Monde, ou Celui qui montre le Monde ; de djihan, monde, et de numa, qui est l'impératif de namonden, montrer, faire voir. Les Persans ont dans leur langue une infinité de pareils mots, comme Djihan-Ghuïr, monde c'est-à-dire Conquérant. (Note d'Armain).], composé en turc, l'an 1058 de l'hégire (1648 de notre ère) par Kiatib-Tchélébi dont le nom était el Hadgdg Mousthafa Khalifeh, ou Khalfah. comme on le prononce vulgairement, et connu sous le nom de Hadgdgi-Khalfah, et sous celui de KiatibTchéléby.
[Nous suivons exactement dans cette préface le Mode de transcription employé par le traducteur ; mais pour notre prononciation il faut écrire Hadji.]

Hadgdgi-Khalfah, ou Kiatib-Tchêléby, natif de Constantinople, était versé dans les sciences , surtout dans l'histoire; il est mort à Constantinople l'an de l'hégire 1068 (1657), et a laissé plusieurs beaux ouvrages dont je vais donner ici la notice.

1. Kiechf-Uzzunoun an Esamï il Kutoub, vel Funoun, c'est-à-dire la Découverte, ou l'Eclaircissement des opinions sur les noms des Livres et des Sciences. C'est une Bibliothèque ou Catalogue des livres turcs, arabes et persans, et une dissertation sur toutes les sciences, par ordre alphabétique, écrit en arabe. Il y a trois exemplaires de ce livre dans la Bibliothèque du Roi, dont deux sont seulement en arabe ; le troisième est accompagné d'une traduction française faite par feu M. Petis de La Croix, père du dernier mort (celui-ci mourut, en 1751).

2. Tuhfet ul Akhbar fïl Hikmeti, vel Emsal, vel Echar. Présent d'Informations, ou de Nouvelles, sur la Morale, les Proverbes et la Poésie. C'est un recueil de sentences, de Proverbes et de vers.

3. Tuhfet ul Mar fï Esfaril Bihar, c'est-à-dire Présent fait aux grands sur les voyages des Mers. C'est I'histoire de la marine ottomane qui contient les expéditions faites tant sur mer que sur des rivières, depuis la fondation de cet empire, avec la description géographique des lieux. Ce livre a été imprimé à Constantinople à par les soins d'Ibrahim Efendy.

4. Revnak-Ussalchanèh, c'est-à-dire l'Ornement, ou Splendeur de la Monarchie, ou de l'Empire. C'est l'histoire de la ville de Constantinople ;

5. Fezlighueh, ou Fezlikeh
; histoire générale depuis la création du monde jusqu'en 1065 de l'hégire (1654), écrite en arabe. Il a aussi composé en turc le petit Fezlighueh, qui contient le détail de tout ce qui s'est passé de plus mémorable dans l'empire Ottoman, depuis l'an 1000 de l'hégire jusqu'en 1065 de la même hégire.

6. Takvïm-Uttevarikh
, Tables chronologiques, on faits de tout ce qui s'est passé de plus mémorable depuis la création du monde année par année, et de toutes les monarchies et dynasties qui se sont élevées,  jusqu'à la fin de l'année 1058 de l'hégire (1648). Cheïkhuy Muhammed a continué cet ouvrage jusqu'en 1144 (1731), et Ibrahim Efendy, qui l'a fait imprimer, y a ajouté deux années.

7. Destour ul Amel, ouvrage de politique, qui contient les maximes de gouvernement de l' empire Ottoman.

8. Redgm-Urredgïm bissïn, vel dgïm, ouvrage qui contient des décisions sur le droit canonique et civil des mahométans.

9. Ilham ul Moukaddes mis el Faïdh ul akdes, ouvrage de spiritualité mahométane.

10. Mizan ul hakk fï ikhtiiar ul ahakk, c'est-à-dire la Balance de ce qui est juste dans le choix de ce qui est le plus juste. Cest un traité de jurisprudence mahométane.

Kiatib-Tchéléby a aussi traduit du latin le petit Atlas qu'il a intitulé Levami unnour fï Zoulmet ul Atlas minour, c'est-à-dire les Rayons de la lumière sur l'obscurité du petit Atlas, traduction dont il s'est servi en partie pour composer son traité général de géographie. Mais il paraît par le supplément qu'Ibraim Efendy a ajouté a la préface du Djihan-Numa, que cette traduction a été faite par Ikhlassi Cheïkh Muhammed Efendy, qui était un homme de lettres versé dans la langue latine, dans la géographie et dans plusieurs autres sciences, et qui était Français. Ibrahim Efendy ajoute qu'il était fils d'un homme riche, et que dans son pays il avait d'abord pris l'état ecclésiastique, et qu'il y avait fait de grands progrès dans les sciences; qu'étant venu à Constantinople, il y avait embrassé la religion mahométane sur la lecture d'un verset de l'Alcoran. Ce verset est : ïa ardhou îblaii maeki, ya Séman iklaii, c'est-à-dire : Terre engloutis les eaux ! Ciel, puise celles que tu as  versées ! [Ce verset, suivant les alcoranistes , est le plus élégant qu'il y ait (Note d'Armain).]

Il paraît qu'Ikhlassi s'était rendu recommandable à Constantinople par les connaissances qu'il avait apportées de France, et par celles qu'il avait acquises en Turquie ; on ne donne dans ce pays de pareils noms qu'aux gens de lettres qui excellent dans quelque genre de littérature , et surtout aux poétes , et on ne donne le titre d'efendy qu'aux officiers, de plume, aux gens de lettres, et aux écrivains et secrétaires, et celui de cheikh qu'aux docteurs de la Loi. Ikhlassi signifie Doué de Sincérité. Il y a apparence que Kiatib-Tchéléby n'aura fait que revoir la traduction du petit Atlas, et qu'elle aura été faite par Ikhlassi.

[Composition de l'ouvrage en 14 parties]
Le Djihan-Numa a été composé originairement en deux tomes, et dédié à Sulthan Murad. Le premier tome, imprimé à Constantinople, et auquel Ibrahim Efendy a ajouté en plusieurs endroits des suppléments, sans avoir rien changé au texte, comme il le déclare, contient une Préface de l'imprimeur et une de l'auteur, qui est étendue et divisée en quatorze instructions, ou avertissements, et à laquelle Ibrahim Efendy a aussi ajouté un petit traité de Mathématiques.

La première instruction contient les noms des ouvrages et des auteurs orientaux et latins dont Kiatib-Tchéléby s'est servi pour composer sa géographie universelle. Les noms des ouvrages des auteurs orientaux mahométans sont :

1 . Asar-ul Bilad, vel Akhbar-ul ibad, c'est-à-dire Vestiges et Histoires, ou nouvelles des Pays et des Peuples, par Zakariia, fils de Muhammed, surnommé Kazvini, parce qu'il était de Kasvïn ou Kasbïn , ville de Perse, et qui a distribué son ouvrage selon les sept climats ; ouvrage géographique et historique composé l'an 672 de l'hégire. Zakariia est aussi auteur du livre intitulé  Adgaïb ul Makhlouka, c'est-à-dire les Merveilles, des Créatures. C'est une histoire naturelle.

2. Ahsen ulthassïm fï marifet-ul akalïm, c'est-à-dire la meilleure des divisions dans la connaissance des Climats , par Cheikh Muhammed , surnommé El Moukaddessi, parce qu'il était de Jérusalem, qui a composé son ouvrage l'an 400 de l'hégire (1009).

3. Icharat ila narifet-uzziiarat, c'est-à-dire Indices pour le connaissance des lieux où l'on va en pèlerinage, par Cheikh Eboul Hassen, surnommé Hervi, parce qu'il était de Hérat, ville du Khorassan, grand voyageur mort à Alep l'an 611 de l'hégire (1214). Il décrit dans son ouvrage les lieux où l'on va en  pèlerinage,  et où il avait été.

4. Avdhah-ul Messalik ila Marifet-ul Buldan, vel Mêmalik c'est-à-dire la plus claire des routes pour la connaissance des villes, provinces et royaumes. C'est la géographie d'Eboulfêda, que Sipaizadèb Muhammed, Efendy a mise par ordre alphabétique l'an 997 de l'hégire (1588), et qu'il a ensuite abrégée en quelque façon et traduite en turc, et dédiée à Kodgea Muhammed Pacha.

5. Bahriièh, c'est-à-dire Marine. C'est une description des côtes et des ports de la mer de Grèce et de la navigation dans cette mer, ouvrage très-étendu , composé l'an 900 de l'hégire (1494) par Piri Reïs, qui a dédié son ouvrage a Sulthan Suleïman, ou Soliman, et qui l'a abrégé.

6. Tuhfet-uzzeman, vel Kharidet-ul Avan, c'est-à-dire le Présent ou Joyau du siècle et la Perle des Temps, par Moustapha, fils d'Aly, surnommé el Muvakkit ou l'observateur du temps de la prière, lequel occupait cet emploi à la mosquée de Sulthan Sélim à Constantinople, et qui a divisé son ouvrage suivant les sept climats.

7. Takvimul Buldan. Ce sont les tables géographiques d'Eboul-féda, dont Kiatib Tchéléby fait un grand éloge.

8. Kharidet-ul Adgaïb, c'est-à-dire la Perle der, Merveilles par Cheikh Zeïn-uddïn, fils de Muzaffer, fils de Verdi, connu sous le nom d'Ibn Vardi ; mauvais ouvrage, selon notre auteur.

9. Ravdhul Mouatchar fi Akhbar-ul Akthar, Jardins odoriférants des Nouvelles, ou Connaissances des Régions, par Cheikh Ebou Abdullah Muhammed, fils d'Abd-Unnour, surnommé Himiéry, qui a distribué son ouvrage selon l'ordre de l'alphabet. Il contient la description de toutes les villes et de tous les lieux renommés et connus, sitiués dans l'étendue des dominations mahométanes.

10. Umdétul Mehrèh, c'est-à-dire la Colonne ou le Soutien de Mehrèh. C'est un traité de la navigation des mers de l'Océan Oriental, divisé en sept chapitres, par Suleïman, fils d'Ahmed, surnommé Mehry, à cause qu'il était de Mehrèh, ville d'une province de l'Arabie méridionale et située sur l'Océan.

11. Tuhfet-ul fuhoul
, c'est-à-dire Présent aux Experts, autre ouvrage sur la même matière et par le pâme auteur.

12. El Muhith, c'est-à-dire l'Océan. C'est la traduction en turc de l'ouvrage ci-dessus, par Sidi Aly Zadèh de Galata.

13. Kiechf-ut Mémalik, c'est-à-dire la Découverte des Royaumes ou Provinces, par Khalil, fils de Chaliin, surnommé Ezzahiry; divisé en quarante chapitres. Il contient la description géographique et historique, et les routes des provinces de l'Egypte. L'auteur a abrégé son ouvrage et lui a donné le mom de Zubdet-ul Kiechf, c'est-à-dire la Crème du Kiechf, etc.

14. Messalik-ul Memalik, c'est-à-dire les Routes des Royaumes ou Provinces. Il y a plusieurs ouvrages de Kiatib Tchéléby qui portent le même nom, écrits en arabe et en persan, entre autres celui de Saïd, fils d'Aly, surnommé Dgirdgiany, et celui d'Ahmed, fils de Séhel, surnomme el Belkhy, à cause qu'il était de Belkh [Balkh] dans le Khorassan. Cet ouvrage a été traduit en turc et dédié à Sulthan Murad, par Chérif Efendy. Kiatib Tchéléby ajoute que l'auteur donne dans cet ouvrage des preuves de son ignorance dans la géographie.

15. Muadgdgem-ul Buldan, ouvrage qui contient les noms des villes et provinces par ordre alphabétique, par Iakouti, surnommé Hamavy à cause qu'il était de Hama en Syrie. Mort l'an 626 de l'hégire (1228). Il a abrégé son ouvrage et lui a donné le nom de Mérassid-ul Athla, lequel a aussi été abrégé par Abdul Moumïn, fils d'Abdul Hakk, et par Seïouthy.

16.  Ménazir-ul Avalïm, c'est-à-dire Vue des Mondes. C'est la traduction en turc du Takvïm d'Aboul-féda, faite l'an 1005 de l'hégire (1596) par Kadhi Muhammed , fils d'Umer, connu sous le nom d'Aachik. Il a ajouté à la suite de cette traduction plusieurs choses des livres intitulés Haïat-ul Haïvan, c'est-à-dire la Vie des Animaux, qui est une histoire naturelle par Demiry, et Mérat-Uzzémen, c'est-à-dire le Miroir du Temps. Il a encore ajouté dans son ouvrage la description des villes et des lieux qu'il a vus dans la Natolie. Ce livre n'a jamais été mis au net. On a eu recours, dit Kiatib-Tchéléby au brouillon.

17. Menhadg-ul fakhir fi ïm-il Bahvizzadgir, c'est-à-dire la Précieuse Méthode dans la connaissance de là mer violente pu Suleïman, fils d'Ahmed. C'est une relation des voyages de autour sur l'Océan Oriental, Ce Soliman est le même dont il est parlé ci-dessus, à l'article 10. [Cette relation des voyages de Soliman ou Suleiman sur les mers Orientales est indubitablement l'ouvrage autrefois traduit par l'abbé Renaudot sous le titre d'Anciennes Relations aux Indes et et à la Chine, etc.  et dont une traduction nouvelle, accompagnée du texte et d'une savante introduction, a été récemment donnée par M. Reinaud (1846, 2 vol. In-18). Voyez ce que M. Reinaud dit dans sa préface de ce Soliman et de au voyages. (Edit.)]

18. Nuzhet-ul Muchtak fi ikhlivak-ul afak, c'est-à-dire les Délices du Curieux sur la découverte de l'Univers. C'est le même livre connu parmi nous sous le nom de Geographia Nubiensis et dont l'abrégé a été imprimé à Rome. Kiatib-Tchéléby dit que cet imprimé est rempli de fautes.

19. Heft iklïm
, c'est-à-dire les Sept Climats , par Aly Muhammed , surnommé Razi, à. cause qu'il était de Reï, ville de Perse, composé l'an 1010 de l'hégire (1601). Cet auteur a ajouté a son ouvrage les noms des poëtes et autres personnes illustres qui ont paru dans les lieux qu'à décrit. On s'est servi aussi du Nuzhet de Hamdallah mustevfi.

La seconde instruction donne l'idée de la géographie, et explique les termes qui sont en usage dans cette science.
La troisième traite de la fin et de l'utilité de la géographie.
La quatrième , de la cause de la rondeur des corps et de celle du globe terrestre.
La cinquième, des eaux et des éléments.
La sixième, des cercles et des pôles
La septième, des quatres cercles qui divisent la terre.
La huitième, de la latitude et des climats.
La neuvième de la division de la terre par la latitude et par la longitude.
La dixième, de la distance et des instruments pour mesurer la terre.
La onzième, des quatre points cardinaux et des vents.
La douzième, des règles pour tracer des cartes de géographie.
La treizième, de la difficulté qu'il y a de faire de bonnes cartes , et de la nécessité d'avoir recours à des gens expérimentés pour les faire et pour les corriger.
La quatorzième, enfin, contient une table générale par ordre alphabétique des noms des royaumes, provinces, villes etc., dont il est parlé dans le Djihan-Numa ; mais Ibrahim Efendy n'y a pas marqué les numéros des pages, parce qu'il n'a pas fait imprimer tout l'ouvrage. il s'est contenté de mettre à la fin de ce premier tome une liste des matières qui y sont contenues, sans ordre alphabétique,   après la Préface ou Avertissement dont il est parlé ci-dessus.
Ce premier tome contient quarante-six chapitres.

Les onze premiers traitent du globe, de la terre, de l'eau , et de la distinction de la terre d'avec l'eau; des quatre parties du monde en général, l'Europe, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique ; de la relation qu'ont les régions de la terre avec les triangles des signes du zodiaque et des planètes, et des habitants , la terre par rapport à leurs religions.
Les autres chapitres contiennent la description détaillée de toute l'Asie. Cette description commence par le Japon et finit par la Natolie.

Je n'ai pu traduit les onze premiers chapitres dont il est parlé ci-dessus ni les huit qui suivent, lesquels contiennent la description du Japon, des îles orientales de l'Asie, de la Chine et de la Cochinchine, non plus que les quatorze instructions comprises dans la préface, parce que tout ce qui y est contenu a été tiré de nos ouvrages, et qu'ils ne renferment rien de nouveau pour nous. D'ailleurs, presque tous les noms des lieux y sont tellement estropiés et défigurés qu'ils sont méconnaissables. Il aurait fallu, pour en venir à bout, avoir devant les yeux les mêmes livres dont Kiatib-Tchélebi s'est servi. Je n'ai commencé ma traduction que par le Khataï. Il y a à la fin de la description de chaque royaume, empire et province, un abrégé de l'histoire des monarques, rois, princes et souverains qui y ont régné et des dynasties ou dominations qui s'y sont élevées depuis le mahométisme, aussi bien qu'un abrégé de l'histoire des quatre dynasties des anciens rois de Perse, que j'ai passé, parce que nous avons ailleurs ces histoires plus détaillées, et que d'ailleurs je n'ai voulu m'attacher qu'à ce qui concerne la géographie ; et quoiqu'il y ait de la confusion dans les noms des lieux, des routes et des distances, je les ai traduites le mieux qu'il m'a été possible, jugeant qu'elles feraient plaisir.

Je n'ai donc traduit que les vingt-six derniers chapitres de ce tome, que j'ai divisés en vingt-huit, qui contiennent : le Khataï, le Hind, ou Hindoustan , ou les Indes, le Sind, le Mokran, le Tablistan, le Khasi, l'Achnagar, le Kachmir, le Tibet, le Sedgestan, le Badakchan, le Gour, le Thokaristan, le Kirman, le Lar, ou Laristan et Ormuz, le Fars, ou la Perse proprement dite, le Thabaristan, Adgem, le Khozistan, le Loristan, l'Iraque persienne, dite Iraki Adgem, le Korassan, le Kohistan, Le Koumès, le Thabaristan, le Mazandéran, le Deïlem, le Ghilan, le Karesm, la Transoxane, dite Maverannèhr ou Maverannahr, le Turkistan, le Decht, l'Azerbeïdgian, et autres pays situés au nord de la mer Caspienne, et à l'Occident et au Nord du Chirvan ; l'Arménie, la Mésopotamie, dite El Dgézirèh, c'est-à-dire l'Ile, l'Iraque arabe, l'Arabie, dite Dgéziret-ul Areb, c'est-à-dire l'île des Arabes, la Syrie, dite Cham, le pays d'Iitch-iil, l'île de Chypre, la Caramanie et la Natolie.
J'ai observé autant qu'il m'a été possible de rendre avec nos lettres la vraie prononciation des noms ; mais comme ces noms ne sont écrits qu'avec des consonnes, et que les voyelles, qui ne sont que des accents, ou certaines marques mises sur ces consonnes, sont omises , n'y ayant qu'à très-peu d'endroits qu'elles soient dénommées, et que chaque nom peut être lu de différentes manières, j'ai eu recours à Aboul-féda, au Dictionnaire arabe et latin de Golius, au Dictionnaire persan et turc de Chaoury, imprimé a Constantinople, et au Dictionnaire de Meninski, pour la vérification de la vraie prononciation de ces noms, dont celle de plusieurs est restée incertaine, parce qu'Aboul-féda ne fait mention tout au plus que de la cinquième partie des lieux contenus dans cet ouvrage, et que l'on n'en trouve qu'une petite partie dans les dictionnaires cités ci-dessus.

Cependant je dois faire observer que beaucoup de ces noms ayant quelque signification, turque, arabe ou persane, ou étant des noms dérivés ou composés , ce secours, joint à la dénomination des voyelles qu'Aboul-féda nous donne pour les noms dont il a fait mention, avec la vraie prononciation de ceux qui   se trouvent marqués dans les dictionnaires dont il  est parlé ci-dessus, et qu'enfin les recherches exactes que j' ai faites, m'ont donné la facilité d'écrire presque tous les noms contenue dans ce traité comme ils doivent être écrits et de leur donner la vraie prononciation. On pourra dans la suite peu à peu constater celle qui est restée incertaine dans quelques-uns de ces noms; il n'y aura que celle des noms des lieux peu connus et peu  fréquentés qu'il sera difficile de constater, comme les noms de quelques endroits des Indes, de la Tartarie, de la Géorgie, et autres endroits située entre la mer Caspienne et la mer Noire.

On peut faire venir de Constantinople une liste des noms des villes, lieux, montagnes et rivières contenus dans chaque gouvernement de la domination ottomane en Asie, demander que ou noms soient écrits avec les accents-voyelles, et même à la marge en toutes lettres suivant leur véritable prononciation. On peut aussi demander des copies de différentes routes, et surtout de celles qui conduisent de différents endroits à la Mecque, et demander la même exactitude à l'égard des voyelles. Il faudrait faire venir aussi de Constantinople un exemplaire bien conditionné de chacun des deux livres mentionnés ci-dessus, dont l'un est intitulé Avdhah-ul Messalik, etc . , n° 4, et l'autre porte le nom de Ménazir-ul Avalïm, n° 16. Comme ces deux ouvrages sont d'Aboul-féda, et traduits en turc , dont le dernier nous est connu, et que vraisemblablement le traducteur se sera servi des meilleurs exemplaires pour faire sa traduction , et qu'il aura choisi les livres pourront être d'une grande utilité pour la vérification des noms. Il serait aussi à propos d'avoir un exemplaire manuscrit du Djihan-Numa. Je pourrais traduire l'Afrique, qui doit être curieuse. Ce manuscrit conditionné doit être fort cher, les livres qui sont rares et qui sont bien écrits et corrects coûtant beaucoup.. Il serait a la vérité difficile de trouver ce livre tel n'on désirerait qu'il fût ; il n'y a à Constantinople que le petit Ibrahim Efendy , élève de l'imprimeur Ibrahim Efendy, mort depuis plusieurs années, qui puisse procurer ce livre ou le moyen d'en faire faire une copie. Si on faisait l'acquisition de ces ouvrages je traduirais l'Afrique et la Turquie européenne.

Quoique le Djihan-Numa soit un livre très-imparfait et qu'il y ait plusieurs fautes cependant il est utile, et il le deviendra de plus en plus pour la géographie orientale, tant pour savoir la véritable prononciation des noms, des royaumes, provinces, villes, bourgs et autres lieux, que pour celle des noms des montagnes, vallées et rivières, et connaître la juste position, la vraie distance des lieux , et l'histoire naturelle de ces pays.

Armain termine sa préface par le développement du règles qu'il a suivies dans la transcription du mots turks, arabes ou persans en lettres européennes. Nous n'avons pu cru devoir reproduire ces détails, aujourd'hui complètement superflus, attendu que nous ne nous sommes pas fait scrupule de modifier fréquemment ce mode de transcription pour le rendre conforme à celui que les plus savants orientalistes modernes ont adopté.