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Extrait de Joanne A. et Isambert E., Itinéraire descriptif, historique et archéologique de l'Orient, 1861 : Turquie

ROUTE 76. 

DE SMYRNE A ÉPHÈSE. 

15 h. — 4 jours aller et retour, — On couche à Trianda et à Ajaslouk. 

[468] La route sort de Smyrne du côté du S. et traverse le vieux cimetière de la ville, q^ui s’étend sur le versant oriental du mont Pagus. La campagne e«t à peu près inculte. Aux portes de la ville on passe sur un pont (45 min. de la douane) qui travérse un des affluents du Mêlés. Une large vallée appelée vallée de Sainte-Anne sépare la route d’une plaine où s’élève le v. de Boudja (V. p. 467). Un aqueduc du moyen âge traverse la vallée de, Sainte-Anne. Les eaux que cet aqueduc conduit à Smyrne sont très-chargées de sels calcaires et ont formé de chaque côté de l’aqueduc de grosses masses de stalactites, ce qui lui donne un aspect assez singulier. Deux chemins se présentent : celui de gauche, que le voyageur doit prendre, traverse un cours d’eau, le remonte (pendant 1 h.), puis franchit quelques petites collines (18 kil. de Smyrne) et un premier défilé. Un second défilé (4 kil.) très-resserré se présente bientôt : on l’appelle le chemin du sang. Il s’y est en effet commis un assez grand nombre d’assassinats. La route entre dans une vaste plaine et traverse le Tachtalu-Sou, puis un cours d’eau (8 kil.), un autre encore (4 kil.), et peu après arrive au village de Trianda (6 h. de Smyrne). On y trouve un corps de garde et quelques khâns. — Le chemin se dirige au S.-Sj-E., laissant à sa gauche deux autres chemins et le village de Portouna, et longe d’assez près la rivière qui coule entre des buissons touffus. Il traverse (4 kil.) un cours d’eau appelé Bounar-Sou, au [469] bord duquel est un café, puis (6 kil.) un autre cours d’eau. Un ancien cimetière et des débris d’un monument dorique se présentent ensuite. On retraverse le  Bounar-Sou. La route quitte la plaine marécageuse et suit le revers des montagnes en se dirigeant toujours droit au S.-E. Des ruines (10 kil.) s’élèvent à droite, ruines qu’on attribue à l’ancienne ville de Métropolis. On arrive à Yéni-Keui (4 h. de Trianda). Ici la route tourne à l’E. et s’infléchit longeant 'en écharpe la ligne des montagnes. Au-dessous, dans la plaine, coule le Bounar-Sou [Pınar Su]. Le château ruiné de Kiz-Kalessi (le château de la Fille) s’élève à droite (12 kil.), sur une des pointes les plus escarpées de la montagne. On entre dans la vallée du Kutchuk-Mender-Tchaï [Küçuk Menderes çay] (ancien Caystre), laquelle a environ 2 kil. de largeur. La route tourne à l’O., suivant une ligne parallèle au cours de ce fleuve.  Les montagnes qui entourent Ephèse apparaissent dans le lointain. Plus près, sur la droite, une construction adossée è la montagne avec les ruines d’un aqueduc semble avoir appartenu à un nymphée. Le voyageur arrive à un pont construit avec des débris romains, mais dont les arches sont en ogive. Il franchit le fleuve sur ce pont (12 kil.) et continue à en descendre le cours sur l’autre rive. A mesure qu’on avance le fleuve s’élargit. La route court dans la plaine d'Éphèse. Bientôt le fleuve se divi.se eh deux branches. Le village et le château d’Ayaslouk (6 kil.) s’élèvent à gauche sur un rocher isolé. La route oblique au N.-O. et atteint (1 kil.) 

Ephèse. — Histoire . — Cette ville célèbre a été plusieurs fois rebâtie et à des places différentes. La première Ephèse, qui s’appelait Smyrne, était placée sur la pente du mont Prion, dans un endroit nommé Tracheia. Une seconde ville fut fondée par Androclus, près du temple actuel de Minerve et de la fontaine d’Hypelnée. La troisième ville fut construite près du temple de Diane dans la plaine, non loin du Caystre, à l’époque de la domination des rois de Lydie. Depuis, laville fut encore déplacée quatre fois. Le temps de sa plus grande prospérité fut le règne de Lysimaque, général d’Alexandre, qui l’embellit et l’entoura dé murs. Néanmoins depuis longtemps déjà Ephèse était célèbre dans tout le monde ancien par la magnificence et la richesse de ses édifices, parmi lesquels le temple de Diane était cité comme une aes sept merveilles du monde. Ce temple, comme chacun sait, fut brûle par Érostrate, la nuit même où Alexandre le Grand vint au monde. Le christianisme fut préché à Ephèse par saint Paul; saint Jean y résida, et c’est là probablement qu’il mourut. 

État actuel. Ephèse, si souvent rebâtie et déplacée, couvre de ses ruines une immense étendue de terrain, qui demande au moins 4 heures pour être traversée. Ce vaste, amas de ruines, parmi lesquelles il est assez difficile de se conduire, est répandu dans une plaine bordée au N. par le mont lalessus, au S. par le Coressus, à ro. par la mer, et traversée par le Caystre. Sur la rive droite du Caystre s’étendent des marécages; la rive gauche est couverte de ruines. Deux montagnes isolées s’élèvent dans la plaine: au N.-E. la montagne sur laquelle Ayaslouk [Ayasoluk ou Ayasuluk] est bâti; à l’O. le mont Prion, qui occupe le centre de la ville. Il est bon de se diriger fout d’abord vers le Coressus, qui ferme la plaine au y. De cette position élevée, le voyageur pourra prendre une idée générale des lieux et marcher ensuite avec moins de difiiculték au milieu des ruines dont il avait d'avance reconnu la direction. Sur la crête du Coressus même, s’étendent, sur une longueur de plus de 12ü0 mèt., les murailles de Lysimaque, flanquées de distance en distance de tours carrées et de poternes, et bâties tantôt en assises [470] régulières tantôt en blocs irréguliers. Un chemin de ceinture taillé dans le roc et bordé de nombreux monuments funéraires suit le pied de ces murailles. De là le voyageur  aperçoit devant lui, dans la partie appelé prison de Saint-Paul. C'est en réalité, ou un poste avancé de Lélèges ou une de ces vedettes que les Perses avaient coutume d'élever sur les montagnes. Au centre des ruines, comme nous l'avons dit, s'élève le mont Prion dans les flancs duquel est taillé le théâtre, édifice assez bien conservé. A côté s'étend le stade, qui par son côté gauche s'appuie sur la montagne et par son côté droit porte sur des constructions. Son intérieur n'offre rien de remarqua ble. Le stade et le théâtre étaient autrefois entourés de portiques conduisaient aux Thermes et à l'Agora, dont les ruines sont voisines. Il ne reste de l’Agora qu'un grand fronton à demi ruiné, fronton qui été souvent reproduit par le dessin et qui appartenait un temple prostyle et tétratyle placé au milieu de l'Agora. Des thermes, il reste de grandes salles qui n'ont plus de couverture. 

— Les autres ruines n'ont plus aucune figure. Le temple de Diane a été détruit par Érostrate, fut rebâti sur de plus grandes proportions. On mit 220 ans le refaire. Cet édifice magnifique, si souvent mentionné dans les Actes des Apôtres, fut détruit une seconde fois quand les empereurs chrétiens firent abattre les temples du paganisme. On en a cherché vainement les traces recouvertes par les dépôts du Caystro; la place qu'il occupait était probablement bord de ce fleuve, au fond du port. 

C'est au printemps qu'il faut faire cette excursion. A cette époque l'eau abonde dans les ruisseaux, et les ruines disparaissent presque sous la verdure des lianes. En été le voisinage des marais du Caystre rend le séjour dangereux. 

Des ruines d'Ephèse on revient à Ayaslouk qui, parmi ses ruines informes, offre une belle mosquée, bâtie fin du XVe siècle ; c'est un grand rectangle couvé, en deux portions égales, dont l'une est la prière (Djami). La façade de cette mosquée est en marbre blanc.Deux portes donnent accès dans l’intérieur. La porte du S. précédée d'un perron de dix marches, est ornée d'arabesques,  d’inscriptions, et couronnée de créneaux à découpés dans le genre de ceux des mosquées du Caire. Au-dessus s'élève un minaret en briques. La porte du N. n'a rien de remarquable. La cour, au milieu de laquelle se trouve la fontaine aux ablutions, était autrefois entourée de colonnes de granit. Au fond de cette cour, la porte de la nef s'ouvre suivant un axe perpendiculaire l'axe des deux autres portes. C'est une triple arcade mauresque portée sur des colonnettes. Des fenêtres carrées mettent la nef en communication avec le dehors. Elles sont surmontées d'inscriptions et surchargées d'ornements d'une correction admirable, comme tous les détails de cette mosquée. Tout près de ce monument s'élève une autre mosquée plus petite et à demi ruinée. A l’E., les restes d'un aqueduc s'étendent dans la direction de l'O. Les piles en sont faites avec des marbres blancs enlevés à Éphèse et couverts d'inscriptions. 

On doit retourner d'Ayaslouk à Smyrne par le même chemin, à moins que l'on ne veuille continuer  jusqu’à Milet, et prendre à rebours l’itinéraire suivi dans notre route 77.