L'école des Jeunes de langue, crée par Colbert servit à former les interprètes du Levant, aussi appelés drogmans (déformation du Turc tercüman, interprète) et perdura jusqu'à la fin du XIXe siècle, quand elle fut complètement remplacée par l'Ecole des langues orientales.

 

En 1669, Colbert créait, dans l'intérêt de nos relations commerciales et diplomatiques avec le Levant, l'école des Jeunes de langue ; et les mémoires, les traductions et les copies de textes que les Élèves-drogmans étaient tenus d'envoyer périodiquement à Paris, créaient un fonds de manuscrits modernes plein d'utiles documents pour la philologie orientale.
L'institution des Jeunes de langue devait faire l'objet d'un article spécial, qui a été omis à sa place naturelle. Nous devons réparer ici cette lacune.
Un arrêt du conseil du roi, du 18 novembre 1669, disposa que six jeunes garçons, nés Français, seraient envoyés an couvent des capucins de Constantinople et de Smyrne, où ils seraient instruits dans la connaissance des langues orientales pour servir de drogmans dans les échelles du Levant et en Barbarie. Six nouveaux élèves devaient être nommés chaque année ; mais, d'après d'autres dispositions, du 31 octobre suivant, on ne dut nommer aux places vacantes que tous les trois ans. Par arrêt du 7 juin 1718, on fixa à douze le nombre des élèves entretenus à Constantinople. Leur pension était payée par la chambre de commerce de Marseille.
D'un autre côté, l'État entretenait à ses frais au collège des Jésuites de Paris, depuis 1700, douze jeunes Orientaux, la plupart Arméniens, destinés à remplir la double mission d'interprètes pour les relations diplomatiques, et de missionnaires pour la propagation du catholicisme. Les conséquences funestes de l'emploi d'étrangers dans la négociation des intérêts du pays nécessita bientôt une nouvelle organisation de l'école.
Une ordonnance du 20 juillet 1721 remplaça les Arméniens par dix jeunes gens fils de parents français, qui devaient, après avoir étudié à Paris les éléments des langues turque et arabe, aller se perfectionner au couvent de Constantinople. L'école de Paris demeura annexée au collège de Louis-le-Grand ; elle fut placée dans les attributions du département des affaires étrangères, et sous la surveillance du premier secrétaire interprète du roi, qui y fut, avec les deux autres interprètes, pour les langues orientales, chargé de l'enseignement des trois langues arabe, turque et persane. Les sujets admis dans cette école, désignés dans l'origine par le titre d'Elèves de la chambre du roi, le furent ensuite par celui de Jeunes de langue, expression formée d'un idiotisme turc traduit mot à mot en français, où elle ne présente en réalité aucun sens.
Par une ordonnance du 3 mars 1781, il fut réglé que les fils, petits-fils et neveux de drogmans auraient la préférence pour les places de jeunes de langue, dont le titre finit par désigner exclusivement les élèves de cette catégorie.
Supprimée à la révolution, l'école fut rétablie par le Directoire, en 1797. Le nombre des élèves fut alors porté à dix-huit. Après l'établissement de la mission de Perse, Napoléon forma à Téhéran une école de jeunes de langue à l'instar de celle de Constantinople. Mais elle ne paraît avoir eu qu'une existence momentanée. En 1817, le ministère avait réduit à seize les élèves entretenus à Paris. Une ordonnance du 31 juillet 1815 fixa à douze seulement le nombre des places de jeunes de langue, tant à Paris qu'à Constantinople.
La direction de l'école de Paris, confiée en 1797 à M. Simon, le fut, de 1817 à 1829, à M. Kieffer, et l'est depuis cette époque à M. Jouannin, ancien premier drogman à Constantinople, et chargé d'affaires en Perse, auteur du volume de la Turquie dans L'Univers pittoresque. Le nombre des jeunes de langue proprement dits a beaucoup diminué dans ces derniers temps. L'hérédité des professions, il est vrai, n'est guère compatible avec l'indépendance actuelle des esprits. Toutefois, la mesure adoptée par le directeur actuel pour l'admission d'externes aux cours de l'école, lui a donné une nouvelle importance. Elle a, depuis sa fondation, reçu quatre-vingt-dix élèves.

extrait de Léon Vaïsse, Essai sur l'histoire de la philologie orientale en France, Paris, Firmin Didot, 1844

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