EXCURSION A BROUSSE L'OLYMPE DE BITHYNIE

On ne saurait faire un séjour à Constantinople sans aller in Brousse, cette vieille capitale de la Turquie. Le trajet en bateau ne dépasse pas quatre heures et demie. On passe d'abord devant la pointe du Vieux-Séraï, puis l'on franchit l'embouchure du golfe d'Ismidt

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et le navire aborde au petit port de Moudania, assez propre, - ce qui contraste avec les habitudes turques - et d'où, en voiture, pour trois ou quatre medjidiés, quelquefois moins suivant les saisons, on se rend à Brousse, distante de vingt-huit kilomètres. Brousse est bâtie sur le revers (Tune montagne qui commande une belle plaine très fertile; derrière la ville s'élève le mont Olympe, avec ses rochers dénudés et ses cimes souvent couvertes de neige.

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Un gué près de Guétchid

La ville de Brousse, qui rappelle les souvenirs d’Annibal, possède plus de cent cinquante mosquées parmi lesquelles l’Oulou-Djami est le plus curieux de ses édifices religieux. Cette mosquée est surmontée de nombreuses coupoles qui en forment la toiture; la salle centrale a un toit percé à jour et fermé par un grillage. La pluie qui pénètre par cette ouverture est reçue dans un bassin qu'alimente un jet d'eau et où l'on nourrit des poissons. Les bains de Brousse, célèbres dans tout l'Orient, fréquentés par les anciens, se trouvent à trois kilomètres environ de la ville. La route

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Voir la carte reproduite ci-dessus

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Brousse. - Le pont Abdal, près d'Adjember. Carte du Bosphore.

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Brousse. - Route des Bains et mont Olympe.

pour y aller est charmante, surtout par l'admirable vue dont on jouit. L'ascension de l’Olympe est facile à faire et n'offre aucun danger. Il y a presque jusqu'au sommet un sentier praticable aux chevaux. On peut y parvenir en cinq ou six heures; seulement il faut emporter des provisions avec soi, car on ne trouve absolument rien pendant cette ascension.

Le panorama de l'Olympe est superbe : la vue s'étend sur la mer de Marmara, sur les golfes de Moudania et d'lsmidt, Constantinople et la mer Noire... quand le temps est clair.

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Galata - La porte des Minarets. 

Revenons à Constantinople.

Si, au milieu de tous ces détails donnés sur la ville turque, nous ne disons rien de l'emploi des soirées, c'est que Constantinople ne possède aucune distraction, dès que le  soleil a disparu de son horizon. Les rues sont peu éclairées. Les théâtres n'existent pas. Les concerts sont indignes de ce nom. Il faut se reposer [116] ou travailler, ou revoir en rêve le magique décor admiré dans le journée.

Le touriste ne doit pas manquer d'aller rendre visite au grand Bazar de Stamboul.

Il est difficile de donner une description de cet étrange marché, où il est à peu près impossible d'aller sans guide, sous peine de se perdre ; mais voici un conseil aux acheteurs.

Il faut y aller souvent et ne pas craindre de faire déplier toutes les marchandises sans rien acheter, puis réserver son choix pour le dernier jour et quand on est fixé, il ne faut jamais payer plus de 20 fr. ce que le marchand vous offre pour 100 fr.

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Marché dans la cour de la mosquée de Yéni-Validé-Djami. 

Il ne faut pas se laisser séduire par le guide qui a son tant pour cent, ni par les amabilités du marchand qui vous comble de cigarettes et de café. Payer vingt pour cent sur le prix demandé, c'est payer le prix raisonnable. Un jour, en allant au Bazar, on passera par le marché de la petite place Yéni-Validé-Djami, où fourmillent des types intéressants. Une foule énorme d'acheteurs se presse autour des petites tables rondes, légères, en bois blanc, sur les- quelles se trouvent tous les étalages composés en grande partie de pacotilles, d'objets sans valeur, d'écharpes, de couvertures communes, de saucissons racornis et de moelíla, sorte de fromages de riz pilé sur lesquels, au [119] gré de l'acheteur, le marchand met du sucre, du sirop ou de l'eau parfumée. 

Bouchers et barbiers.

C'est blanc, mou ou mauvais ; mais ça ne coûte que deux paras. Il s’en débite des quantités énormes, que les Turcs mangent sur place avec plaisir.

Au milieu de la cohue, des barbiers rasent tranquillement en plein air sans s'inquiéter des bousculades qu'ils reçoivent.

Quelques vieux derviches mendient. Ils sont vêtus d’une grande blouse blanche et d'une vieille peau qui leur recouvre le dos. 

D'une main, ils ont une longue pique dont l'une des extrémités se termine par une grosse  boule de fer, à laquelle sont accrochées plusieurs courbes chaînes. De l'autre, ils ont une grande noix de coco qu'ils tiennent par une chaînette en cuivre. Cela sert de besace pour les aumônes, qui d'ailleurs ne sont jamais lourdes à porter.

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Entrée des jardins du Harem.

En sortant du bazar, on ne doit pas manquer d'aller une fois sur la place du Séraï-Meïdan où se trouve la porte auguste du Vieux-Séraï, le légendaire palais des Sultans. C'est là que les souvenirs rappellent toutes les atrocités passées. Voici les créneaux où l'on accrochait les têtes, les poternes par où l'on jetait les cadavres au Bosphore, la cage où le sultan enfermait ses frères. 

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Voici un tronc de colonne ou la forme du cou est moulée il servait à décapiter les grands vizirs.

A côté, la fontaine où le bourreau se lavait les mains, et sur la place également 1'énorme platane, gigantesque arbre creux, vieux de treize cents ans, dans lequel vécut longtemps un chef de brigands fameux, après la destruction des janissaires par Mahmoud II en 1826.

C'est là qu'étaient situées jadis l'antique Byzance et l'Acropole. Sur cette pointe, bercé par le vague murmure de la mer de Marmara et du Bosphore, dont les eaux se mélangent à ses pieds, s'élevèrent le palais de l’impératrice Placide, les demeures des personnages les plus puissants de l’empire et les thermes d'Arcadius. Aujourd’hui, toutes les vieilles sultanes y viennent vivre leurs derniers jours dans une sorte de solitude. Le musée d'antiquités n’est pas loin. On y va en quelques minutes.

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Le Sélamlik. - Chaque vendredi a lieu le Sélamlik tout près du palais d'Yildiz, la demeure du sultan se rendant à la mosquée. On ne peut y assister que sur l'invitation d'un ambassadeur ou d'un pacha.

Actuellement cette cérémonie a lieu tout près du palais d'Yildiz, la demeure du sultan, qui se rend généralement à la mosquée de Medjidié. Presque toutes les troupes de Constantinople sont mobilisées et défilent ensuite devant le sultan qui se tient caché derrière une persienne de la mosquée. Le cortège d’arrivée est féerique. Le sultan est dans une voiture attelée de splendides chevaux tenus en main par des Albanais.

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Derrière la voiture du sultan, tout un monde luxueux, doré, féerique. Voitures découvertes  et fermées, chevaux de selle noirs, blancs, alezans et bais, fastueusement caparaçonnés. On ne sait comment le sultan voudra rentrer dans son palais, tout doit être subordonné à sa fantaisie.

Puis c'est la foule des aides de camp des officiers, des eunuques, des serviteurs richement habillés. Sur le passage du souverain, les troupes [125] présentent les armes, tandis que tous les pachas et les dignitaires se prosternent jusqu'à terre, abîmés dans une sorte d'admiration muette.

Un porte-étendard.

La revue est superbe. Il y a des régiments de nègres gigantesques, des Soudanais à l'aspect sauvage. La revue terminée, chaque régiment se rend dans sa caserne. On reprend aux hommes leurs vêtements de parade et on leur rend leurs guenilles.

Et maintenant quittons la Turquie. Si vous avez acheté quelques objets que vous voulez rapporter, il faut acquitter des droits de douane pour les sortir de Constantinople. Or les formalités sont longues; le mieux est de donner à votre guide un medjidié par malle d'objets achetés.

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Il s'arrangera, avec les douaniers. On ne visitera rien. Vous gagnerez du temps et de l'argent.

Encore quelques minutes,  le bateau se met en marche. Bientôt Péra, Stamboul, Scutari disparaissent.

Le dernier minaret s'évanouit dans un lointain délicieux, dernière vision qu'emporte le voyageur de son séjour en Turquie.

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Par Smyrne et Syra. - On peut encore revenir de Constantinople à Marseille par un autre chemin, en passant par Smyrne et Syra. Le trajet est sensiblement le même comme longueur. Le navire suit d’abord le même itinéraire que le précédent jusqu’aux Dardanelles, puis ensuite il longe l'île Ténédos et la côte d'Asie Mineure. Il arrive à Smyrne par le canal qui sépare l'île Mètelin de la côte. On aperçoit alors à gauche l’ancienne ville de Pergame. 

On a vite fait de voir Smyrne dont l'importance est toute commerciale. Son bazar est vaste, mais n'a pas l'aspect oriental de celui de Constantinople. Les quais sont neufs, fort beaux, et les belles maisons qui les bordent sont bâties sur le terrain gagné sur la mer.

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Smyrne. - Vue panoramique, prise des hauteurs du quartier juif.  

Le grand attrait qui attire le touriste, c'est l'excursion à Éphèse par le chemin de fer d'Aïdin. Il y a 77 kilomètres et le trajet se fait en deux heures et demie par train direct. On passe au pont des Caravanes, dans la  [140] région occupée par les cimetières, à Paradis, où se trouve le monastère du prophète Elle. 

Pour visiter les ruines d'Ephèse, on descend à  une bourgade, Ayasolouk, qui possède cependant deux hôtels à peu près convenables. On y trouve des chevaux pour faire le tour des ruines.

L'arrêt du bateau est très suffisant pour accomplir cette excursion. Quant à Syra,  appelée aussi Hermopolis, on peut n'y descendre que pour se dégourdir les jambes. Ça ne vaut pas la vue des jolies îles rencontrées sur la route et des petites  villes Thehesmi et de Chio. De Syra on regagne Marseille.

 

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