Texte publié en 1731 sur l'introduction, quelques années auparavant, de l'imprimerie en caractères arabes à Istanbul. Suivi d'un autre texte de 1855.
Comme souvent, la graphie et les noms propres diffèrent des transcriptions modernes.

"Le célèbre établissement d'une Imprimerie fait ici sous la Régence d'Achmet III n'a reçu encore aucune atteinte par la révolution ; quoiqu'absolument contraire aux maximes du gouvernement et aux préceptes de l'Alcoran, puisque par cet établissement d'un côté on ôte le moyen de subsister à plusieurs milliers de personnes qui gagnaient leur vie à copier, et que de l'autre on ouvre la porte parmi les Musulmans, aux Sciences, aux Arts et aux Langues. Ainsi cet établissement est très-important à tous égards et mérite qu'on en conserve la mémoire à la postérité, en voici donc une relation exacte.
Le grand vizir Ibrahim Pacha étoit un Ministre d'un mérite distingué qui possedait tous les talens nécessaires au poste important qu'il occupait, aimait la paix, les Sciences et les Arts et pendant son Ministere il mit tout en oeuvre pour conserver la paix. Aidé dans un dessein si salutaire par le grand Seigneur Achmet III, il employa tout son crédit à introduire les Sciences parmi les Musulmans.

C'est pour y réussir qu'il commença par établir une imprimerie.
Ibrahim-Effendi, né en Hongrie homme distingué parmi les Savans, fut le Directeur de cette entreprise.
Outre les langues Hongroise et Latine, il possédait la Turque, la Persienne et l'Arabe ; il s'associa au commencement avec Seid Aga fils de Mehemet Tikelebi qui avait été ambassadeur en France, mais ne pouvant s'accorder avec lui il se chargea de toute l'entreprise et prit à son service un Juif nommé Jonas habile imprimeur, il fit fondre toutes sortes de caracteres turcs au nombre de plus de 200 mille, et il imprima les Livre suivans.

1. Un dictionnaire Turc intitulé Vankuli du nom de la Patrie du Traducteur, qui était du territoire de Van dans la Turcomanie. L'Original Arabe est intitulé Sihahi Gewheri, c'est-à-dire, Dictionnaire Arabe, un manuscrit très-ancien. On a vendu les Exemplaires à 30 piastres.

2. Le second Ouvrage, mis sous presse fut Tuhsetus Tiibar, ou la Discretion des Grands, par Tiatib Tulebi, c'est une histoire des campagnes navales des Turcs dans la Méditerranée, et sur les autres eaux ou rivieres. Le prix 3 piastres.

3. L'Histoire de Perse composée par le père Krusinski jésuite et traduite par Ibrahim-Effendi, sous le titre de Tergemeta talsitu Seijah der leiana ruhuri Egvanijan resebehi insidemi biuai Dewlet Shahen Saferijan (a), Ou Traduction de l'Histoire du Pere Krusinski contenant l'origine des Aghuans ; ou la cause de la ruine de la famille des Rois de Perse nommé des Saferi. Le prix 3 Piastres.

4. Tarihu Hindis gharbiy ou l'Histoire des Indes où l'on rapporte les sentimens des Anciens sur l'origine du Monde, on cite ensuite les sentimens des Modernes, & dans la seconde partie on rapporte la découverte de l'Amerique par les Espagnols, & tous ce qu'ils y ont fait pendant les premières 50 années ; on y a joint quelques desseins des Animaux de l'Amérique et l'Auteur déclare qu'il a tiré ce qu'il dit des auteurs latins. Le prix 3 piastres.

5. L'Histoire de Tamerlan traduite de l'Arabe en Turc, l'Auteur est Naimi Radé de Babylone. Le prix 3 piastres.

6. Tarichi Missiri Gadin we gedid, ou Histoire des Antiquitez d'Egypte et de tout ce qui s'est passé dans les derniers siècles ; on y trouve l'histoire de ceux qui ont régné dans l'Egypte avant et depuis le Déluge jusqu'à la conquête de ce Royaume par les Turcs, et de quelle manière le Sultan Selim s'en empara. La première partie est tirée des Auteurs arabes. Le prix 3 piastres.

7. Gulseni Chaleta ou le Chapelet des Califes, par Naimi Radé. On rapporte l'origine de Babylone & l'Histoire de ceux qui ont régné depuis l'an 127 de l'Hégire que le premier Caliphe des Abissins commença à régner jusqu'en l'an 1130 de l'Hégire que règne sultan Achmet le 115. Empereur des Turcs à présent régnant. On y trouve en abregé les évènements les plus remarquables sous les caliphes & sous les empereurs ottomans pendant 1003 ans.

8. On va mettre sous presse Ogihan Namé, ou le Miroir du monde, atlas turc dressé par Chagi Calife surnommé Tijatib Tehelebi qui vivait dans le dernier siècle. Ce livre est historique et géographique & traite de l'histoire de tous les états de l'Asie tirée des géographes et historiens arabes et latins, on y joindra les systèmes de Ptolomée, de Copernic et de Tycho-Brahé, avec figues.

On imprimera aussi un livre de mathématique avec les figues, une Mappemonde, et les Cartes générales des 4 parties du Monde, la carte de l'Egypte et une autre des royaumes et provinces de l'Asie.
Il y a dans cette imprimerie 6 presses, 4 pour les livres et deux pour les cartes ; et il y a déjà 6 turcs qui composent. On travaille à fondre des caractères francs pour imprimer des livres à l'usage des Francs et des Turcs pour l'instruction des uns et des autres.
Cette entreprise s'est faite à la sollicitation du P. Holdemian jésuite ami d'Ibrahim-Effendi ; ce père va mettre sous presse une Grammaire turque à l'usage des Francs, et il y joindra un vocabulaire pour faciliter l'étude de la langue turque. S'il réussit, il continuera l'impression de quelques autres ouvrages également utile aux Francs et aux Turcs, de sorte que cet établissement ne peut manquer d'augmenter, le présnet mufti étant un homme qui aimes les savants et les protège."

extrait de  "Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savans de l'Europe pour les mois de janvier, février et mars 1731", tome sixième, première partie, page 234

 (a) on a imprimé cette histoire à Paris chez Brianon 

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Texte de 1855 

"La première imprimerie turke fut établie  à Constantinople, en 1727, sous le règne du sultan Achmet III. Bien qu'il y eût depuis longtemps dans cette ville, des presses arméniennes, hébraïques et grecques, le nouvel établissement ne fut point accepté sans peine.
On eut à vaincre la résistance du vieil esprit turk, opposé à l'introduction de toutes les nouveautés qui venaient d'Occident. Il fallut toute l'énergique volonté du sultan, la persévérance du grand vézir Ibrahim, et la coopération du cheikh-ul-islam qui rendit un fetva approbatif, et complètement favorable à la nouvelle mesure.
Le hatti-schérif, décrétant l'établissement de l'imprimerie impériale à Constantinople, parut le 5 juillet 1727 ; il autorisait toute espèce d'impression, excepté celle du Koran et des livres canoniques. On les réservait à l'écriture.
L'imprimerie impériale produisit vingt-cinq volumes en vingt-neuf ans. Il y eut une interruption de vingt-sept années, pendant laquelle cessèrent tous les travaux.
Rétablie en 1783, par Abdul-Hamid, l'imprimerie impériale a toujours a toujours fonctionné depuis lors, et le nombre de ses productions s'est toujours progressivement accru. Presque tous les livres sortis de l'imprimerie turke ont trait à l'enseignement et aux sciences."
extrait de "Constantinople et la Turquie" par Louis Enault, Hachette, 1855

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