L’enseignement du Français dans l’empire ottoman se développe après la guerre de Crimée dans les années 1850. En 1912, il y avait plus de 80000 élèves dans les écoles françaises qui étaient en majorité tenues par des congrégations religieuses. Certains établissements étaient cependant indépendants et laïques comme celui de Bursa (Brousse) dont l’adresse figure sur cette carte postale envoyée en 1910.

Ces écoles étaient un relai de l’influence française dans l’empire ottoman et fournissaient des cadres pour l’administration et les entreprises dont beaucoup étaient françaises ou à capitaux français. Les élèves musulmans, dont la proportion était faible et inférieure à 5 %,  fréquentaient plutôt les écoles laïques.

Bursa, école Velletaz

Verso de la carte postale envoyée le 18 avril 1910 par un élève d'origine arménienne :
Hrante Iplicjian // Groupe scolaire // laïque française [sic] // Brousse // turquie D'asie
Le "T" (pour taxe) signifie que le port payé par l'expéditeur était insuffisant.

Bursa, école Velletaz

La mosquée et le tombeau de Hudavendighiar à Brousse.

L’école Velletaz de Brousse faisait partie des rares écoles primaires indépendantes laïques, sans être cependant liée à la Mission laïque, une association subventionnée par l’état français et qui s’occupait de nombreuses écoles françaises dans le monde.

Malgré ses demandes réitérées  auprès du ministère de l'éducation ottoman, Joseph Velletaz ne put obtenir l'autorisation d'enseigner à des élèves musulmans. L'école accueillait donc des enfants issus de familles arméniennes, grecques et karamanli aisées et mettait l'accent sur l'enseignement des sciences et de l'artisanat ; J. Velletaz avait même fait venir une machine à tricoter des chaussettes depuis la France !

On ignore quels étaient ses motivations.

Un témoignage sur l’école Velletaz de Brousse

Régis Delbeuf, De Constantinople à Brousse et à Nicée, 1906

Page 190-194

Le groupe scolaire laïque français,fondé et dirigé par M. J. Vellettaz, se compose de deux écoles, l’une de garçons, l’autre de filles.

La première fut fondée le 16 mai 1893.

M. Joseph Vellettaz, est un de ces maitres français, malheureusement trop rares, que n’effraye pas le redoutable inconnu d’une expatriation. Considérant l’enseignement comme une sorte d’apostolat, il eut l'ambition d’employer son savoir et son activité dans une tentative en pays lointain. Il vint en Orient, se renseigna, et finit par prendre la direction de Brousse, où il arriva sans recommandations, sans moyens d’action, sans aucun appui, la modeste école ouverte timidement en mai 1893 est aujourd’hui devenue un groupe scolaire important, prospère, connu et respecté. Nous ne dirons pas au prix de quels efforts a été obtenu ce résultat. Quelques-uns de ces souvenirs rappelleraient à notre compatriote des heures pénibles. À quoi bon évoquer des tristesses, maintenant que tout est oublié, dans la joie du succès conquis ?

M. Vellettaz a eu pour compagne l’idéale associée, qui lui a porté, outre sa collaboration vaillante, le réconfort moral de ses bons conseils et de son inébranlable confiance. 

Le gouvernement de la République a voulu que celle qui avait été à la peine fût aussi à l'honneur. Après son mari, Mme Vellettaz a obtenu les palmes académiques. Rarement récompense a été mieux méritée.

Par les soins de notre consul, M. Bay, les Ecoles Vellettaz vont être prochainement installées dans une maison nouvelle, appropriée à leur destination. Elles sont  actuellement établies dans le quartier arménien de Set-Bachi, non loin de la Mosquée Verte. :

L'Ecole des Garçons (de M. J. Vellettaz) avait été ouverte au centre de la  ville; mais elle fut bientôt transférée là où elle est actuellement, et où elle restera jusqu’à ce qu'elle ait son local définitif.

Les progrès ont été rapides. Le chiffre maximum de la première année (1894) ne fut que de 37 écoliers. Dès la seconde année, l’augmentation était sensible. Actuellement, le groupe dépasse 120 élèves. Il y a certain nombre d’internes ; ils reçoivent tous une instruction solide, qui leur permet de prendre part - avec succès - aux examens de l’ambassade de France, à Constantinople. En décembre 1905, la plus haute mention accordée par le jury de ces examens a été encore remportée par l’Ecole Vellettaz. 

L'Ecole des Filles, ne date que de 1895; mais, grâce à l’activité de Mme Velletaz, qui s’y est consacrée exclusivement, elle a réalisé des progrès incessants. L'enseignement s’est complété de cours de musique et de dessin, qui ont rapidement donné de brillants résultats. L'exposition des broderies, des peintures et des divers ouvrages manuels exécutés par les élèves, a été, pour le public, une véritable révélation. J’ai eu, pour ma part, la grande joie de constater le bon goût de ces travaux et les aptitudes remarquables de ces écolières. La plupart de leurs compositions feraient honneur à de grandes écoles de France. C’est ainsi, d’ailleurs, qu’elles ont été appréciées à Paris. Car la dernière exposition a valu à M. Vellettaz, une médaille d’honneur de l'Alliance française.  

M. Vellettaz est secondé par un excellent collaborateur, M. Dumoret, qui a ses grades universitaires, et qui, vivant avec les élèves internes, assure l’usage exclusif de la langue française dans l'intérieur de l’établissement. Mme Vellettaz, de son côté, trouve un concours précieux dans Mme Emilie Vafiadès, institutrice munie de ses brevets et depuis sept ans attachée à l’établissement. (1)  

(1) Nous devons encore à l’obligeance de M. Edouard Lacaze, drogman du consulat de France, d’avoir pu compléter par des indications précises ces notes consacrées aux Ecoles de Brousse. Nous lui empruntons un tableau qui résume les 54 ans d’histoire de cet enseignement français. Et nous profitons de l’occasion pour lui exprimer ici toute notre gratitude du concours précieux qu’il nous a prêté. 

RÉSUMÉ 

Sur la situation de l’enseignement du français à Brousse de 1852 à 1886. 
Soit depuis l’arrivée des Sœurs de Charité jusqu’à la fondation du Collège Français de l'Assomption

1852 à 1861 — Ecole des Sœurs de Charité.(La 1ère à Brousse) ; 
1861 à 1869 — Ecole Parma (En l'absence des Sœurs de Charité}; 
1869 à 1875 — Ecole des Sœurs de Charité et Ecole Parma ; 
1875 à 1885 — Ecole des Sœurs de Charité. Ecole paroissiale de garçons, dirigée par un prêtre Lasariste et des instituteurs laïques français ; 
1886 — Fondation du Collège Français de l’Assomption. 
1893 — Fondation de l'Ecole laïque Française de M. J. Vellettaz. 
1895 — Fondation de l'Ecole laïque de filles de Mme J. Velletaz.

Annonce de recrutement

Annonce parue dans la Revue de l'Enseignement Français Hors de France..., 1904

Annonce
Groupe scolaire laïque français, à Brousse  ( Dr M. Velletaz ) . Un poste d'instituteur (enseignement et surveillance) . Traitement 1.200 à 1.500 francs . Logement , blanchissage et  nourriture ( sauf pendant les vacances ) ...

A lire

  • Jacques Thobie, “L’importance des écoles dans la diffusion du français dans l’Empire ottoman au début du XXe siècle”, Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde [Online], 38/39 | 2007, Online since 16 December 2010, connection on 15 March 2024. URL: http://journals.openedition.org/dhfles/140; DOI: https://doi.org/10.4000/dhfles.140
  •  İsmail Yasayanlar, "Bir Anadolu Şehrinde Frenk Kolonizasyonu: Bursa'da Fransız Varlığı (1834-1926)" (La colonisation franque dans une ville anatolienne : présence française à Bursa (1834-1926)), Journal of Turkish Studies, 43, décembre 2015

 

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