[Ruines de Lycie]

Les ruines paraissent d'autant plus belles que les montagnes sont découpées en gorges sauvages, dominées par des escarpements grandioses. 

1.  Fellows, Travels and Researches in Asia Minor.
2. Hamilton Lang, Cyprus.
3. Fellows ; Spratt ; Forbes ; Hoskyns, Schönbon, etc.

 [647]

Ainsi Pinara, la Minara de nos jours, est environnée de sommets, dont l'un se dresse à plusieurs centaines de mètres en une immense tour, percée de tombeaux par milliers, autour desquels planent les aigles. 

[carte 647]

Depuis que Fellows découvrit, pour ainsi dire, la Lycie, dans son mémorable voyage de 1858, c'est par dizaines que les explorateurs comptent les villes et les bourgades lyciennes qu'ils ont visitées dans les vallées et sur le bord de la mer. Voici Tlos, sur le flanc des montagnes qui à l'orient font face aux rochers de Pinara ; près de Xanthos, voici Patara, avec son grand théâtre taillé dans le roc ; plus loin, sur le rivage oriental, s'élevaient Phellus et Antiphellus ; d'autres cités sans nom, ceintes de murailles parfaitement conservées, n'enferment que des arbres. Parmi les ruines récemment explorées, les plus remarquables étaient celles de Giöl-bachi [Gölbaşı], découvertes en 1842 par le voyageur Schönborn. Une montagne, dominant à l'ouest la vallée profonde du Dembra-tchaï, est surmontée par une petite acropole entourée de tombeaux, et par un monument rectangulaire, dont la façade

[carte 648]

principale et les quatre parois de la cour intérieure étaient ornées de frises en bas-relief ayant ensemble un développement de plus de cent mètres. Là se déroulaient, ombragées par la ramure des arbres, toutes les grandes scènes de l'Iliade et de l'Odyssée, la chasse de Méléagre, les combats des Amazones et des Centaures (1). C'est dans un musée de Vienne qu'on admire maintenant les frises de Giöl-bachi, sculptées avec toute la grâce hellénique et une singulière richesse d'invention. Le nom antique de la ville ruinée est resté inconnu.

1. Bennddorf, Voräufiger Bericht über zwei Oesterreich. Archeol. Expeditionen nach Kleinasien.

Divisée en de nombreux bassins, dont quelques-uns (1) n'ont pas même d'écoulement apparent vers la mer, la Lycie a dû se partager de tout temps en cantons ayant une existence économique distincte ; chaque vallée, chaque massif montagneux avait sa ville ; nulle part ne se trouvait un centre naturel de commerce pour un vaste territoire ; le lien politique était celui de la confédération. Mais si la Lycie est découpée à l'infini du côté de la mer, où florissait la civilisation hellénique, elle est de formes plus régulières et d'accès plus facile dans les riions du nord, où elle se confond avec les plateaux de l'intérieur, et c'est par là qu'a pénétré la domination turque, imposant la centralisation administrative. Une ville relativement considérable, Elmalu [Elmalı], s'est fondée dans un bassin fermé qui se trouve presque au centre géométrique du vaste demi-cercle décrit par les côtes de la Lycie, entre le golfe de Makri et celui d'Adalia. C'est une cité prospère, peuplée surtout de Grecs et d'Arméniens, mais ayant son quartier turc, dominé par une mosquée riche et gracieusement ornée. Elmalu s'occupe de la préparation des cuirs ; toutefois ses tanneries, au lieu d'empester l'atmosphère comme celles des villes européennes, répandent une odeur agréable, due à l’emploi de la vallonée. Des Smyrmiotes, grecs et levantins, y viennent faire directement leurs achats de maroquins, de peaux, de fruits, de matières tinctoriales. Les deux ports avec lesquels la capitale de la Lycie fait le plus grand commerce sont Makri et Adalia ; elle trafique également avec Phenika, la « ville des Dattiers », qui justifie bien son nom. Mais (Meis, Mégisté) ou Castelorizzo, pyramide insulaire de maisons et de fortifications ruinées, qui se dresse au large d'une baie, n'a guère d'importance que par son havre d'abri et par son commerce avec Alexandrie : les montagnes de la Lycie et de la Caramanie fournissent des bois à l'Egypte.

[Antalya]

Adalia [Antalya], la capitale de la Pamphylie, est considérée par la plupart des archéologues comme Attalea, la ville d'Attale Philadelphe, dont elle porterait le nom. Disposée en forme de théâtre grec, autour d'un port circulaire que deux châteaux forts défendaient à l'entrée, elle arrondit ses gradins sur la pente douce d'une colline ; d'en bas on voit d'un coup d'œil la ville entière enfermée par une double enceinte crénelée, flanquée de grosses tours ; quelques débris romains sont encastrés dans les remparts et les murailles. Entourée de jardins et à l'issue d'une plaine très riche en céréales, Adalia fait un certain commerce, surtout avec l'Egypte, et l'apparence physique de sa population, de même que le dialecte local, témoignent de croisements entre les Turcs indigènes et les immigrants arabes ; presque tous les échanges sont monopolisés par des négociants grecs. Les ruines antiques sont nombreuses dans cette région de la Pamphylie : à l'orient d'Adalia, sur le rivage du golfe, Eski Adalia ou « Vieille Adalia », la Sidé grecque, montre les restes admirables d'un théâtre ; au sud-ouest, les restes d'Olbia dominent un val verdoyant où les Adaliens ont bâti leurs maisons de plaisance près des cascatelles ; au nord-ouest, sur un plateau isolé, les débris de Termessus major couvrent un espace considérable ; comme dans presque toutes les cités grecques, le théâtre y occupe, au bord d'une falaise, l'endroit d'où la vue s'étend sur le plus vaste horizon de vallées et de montagnes.

[Burdur, Isparta, Eğirdir]

Si les routes n'étaient pas si rares et si mal entretenues, Adalia serait un port très animé, comme débouché naturel des bassins fermés qui limitent au nord le Sultan-dagh et les monts où le Méandre prend ses sources. Dans cette région se sont fondées quelques villes industrieuses, dont les produits sont expédiés à Smyrne par le chemin de fer ou à Constantinople par la route d'Afioum-Kara hissar. Bouldour [Burdur], sur la rive orientale du lac de même nom, s’étend sur plusieurs kilomètres carrés dans une plaine étroite : c'est le Polydorion des Grecs. Elle a, comme Elmalu, des tanneries, des maroquineries, elle tisse et blanchit des toiles, expédie à Smyrne la gomme adragant retirée d’une espèce d'astragale qui ressemble à l'ajonc. Isbarta [Isparta], l'ancienne Baris, que dominent les coupoles de trente mosquées, est encore plus commerçante que Bouldour et communique plus facilement avec la mer ; on la compare à Brousse pour la beauté de l'aspect et la richesse des campagnes, couvertes de vignes, de pavots et d'autres cultures, qui contrastent avec les talus de pierres ponces et les escarpements de trachyte ; dans cette plaine se réunissent les nombreuses sources de l'Ak sou (Fleuve Blanc), qui se déverse dans la mer entre Adalia et Eski Adalia, après avoir traversé les fertiles « plaines du Coton » (Pambouk ovassi) [Pamukkale]. Un tributaire occidental de l'Ak sou passe à la base des rochers qui portent les ruines de l'antique Sagalassus ; le village turc le plus rapproché s'appelle Aghlasan [Ağlasan], nom dérivé de la forme primitive. Sagalassus, qui résista vaillamment à l'armée d'Alexandre, était une des plus fortes cités de l'Asie Mineure, et en même temps l'une de celles où, dans un espace restreint, se trouvait le plus bel ensemble de temples, de palais, de portiques, de théâtres et autres édifices publics que possédait chaque ville grecque (1). La terrasse, parfaitement unie, est dominée au nord par une roche verticale, tandis qu'au sud elle est coupée par de raides escarpements ; une roche conique, régulière comme un volcan, se dresse en avant de la terrasse, qui projette vers elle un isthme étroit : cette roche qui commande tout le plateau porte les ruines de l'acropole ; à l'extrémité orientale du terre-plain, un théâtre, encore plus grand que celui de Hierapolis et non moins bien conservé, quoique des noyers aient inséré leurs racines entre les gradins, s'élève majestueusement au-dessus des édifices renversés ou croulants. Au sud de Sagalassus, une autre forteresse des Pisidiens, Cremna, occupait un plateau isolé et que l'on croirait inaccessible : au pied du roc s'étend le village moderne de Ghirmeh.

Egherdir [Eğirdir], — du grec Akrotiri, — située à l'extrémité méridionale du lac de ce nom, est une cité charmante ; l'amphithéâtre des pêcheries, des maisons, des mosquées, des remparts et des tours, les bouquets d'arbres au-dessus desquels se redressent les escarpements nus, la nappe des eaux bleues, les îles boisées, les promontoires qui se succèdent sur les bords jusqu'aux montagnes vaporeuses, lui donnent un aspect italien. Beï-chehr [Beysşehir] ou la « Ville du Bey », également bâtie au bord d'un lac, sur une rivière qui va se jeter dans le Soghla-göl, est aussi une ville pittoresque, mais sans grand commerce. 

1. Arundel, Visit ;  — Hamilton, Researches in Asia Minor.

Evidemment, la contrée était beaucoup plus riche et plus populeuse quand les cités romaines, Apamaea Cibotus, Apollonia, l’Antioche pisidienne, dont on voit encore d'imposants débris, s'élevaient dans la région des lacs. Les hautes arcades de l'aqueduc qui portait à la capitale de la Pisidie les eaux pures du Sultan-dagh, en traversant par une courbe gracieuse le plateau de la cité, offrent un spectacle grandiose. Aucune ville moderne n'a succédé à Antioche. Apollonia, sur un affluent du lac d'Egherdir, est remplacée par le gros bourg d'Ouloubourlou [Uluborlu], connu maintenant par la découverte d'une inscription pareille à celle d'Ancyre.

[Konya]

Konieh [Konya], l'ancien Iconium, capitale de la province de Lycaonie, puis de l'empire Seldjoucide, occupe une position stratégique sur la route de la Syrie à Constantinople, à la base des montagnes qui dominent la région des plaines au sud du Grand Lac Salé. Les armées se sont fréquemment heurtées dans cette partie de l'Asie Mineure, pendant les Croisades, puis dans les guerres intestines des Turcs ; en 1832, les forces égyptiennes commandées par Ibrahim-pacha y remportèrent une victoire qui leur eût ouvert la porte de Stamboul sans l'intervention des puissances européennes. Konieh, cité déchue, est plus curieuse par ses monuments du moyen âge que par son industrie présente. Ses murailles et ses tours ont gardé leurs sculptures et leurs inscriptions, grecques, arabes, turques, qui rappellent les différents régimes subis par Iconium ; les mosquées du temps des Seidjoucides, presque toutes fort dégradées, sont les plus belles de la Péninsule par l'élégance des arabesques et la variété des émaux ; le minaret qui monte aux Etoiles » est un chef d'oeuvre de délicatesse par la forme et le coloris des entrelacs. L'oasis de jardins qui entoure Konieh est comme assiégé par le désert ; mais à quelques heures vers l'occident s'ouvrent des vallons ombreux qui approvisionnent la ville de légumes et de fruits. Au nord-ouest, Zilleh [Zile] aux toits en terre rouge, que dominent des parois de trachyte, également rouges, est une bourgade prospère, entièrement peuplée de Grecs qui descendent de l'ancienne population hellénique expulsée d'Iconium (1) ; dans les environs se trouvent des gisements d'écume de mer. Le service des postes en Anatolie est confié depuis un temps immémorial à une tribu tartare des environs de Konieh, dont tous les hommes peuvent dire avec orgueil que jamais un seul d'entre eux n'a démérité de la confiance publique. Si bon cavalier qu'il soit, rarement un voyageur a pu suivre ces courriers dans leurs rapides chevauchées à travers la Péninsule (2). C'est aussi des environs de Konieh qui viennent la plupart des hammal ou porte-faix de Constantinople et de Smyrne.

1. Hamilton, Researches in Asia Minor.
2. Ed. Dutemple, En Turquie d’Asie.

[653]

A l’ouest de Konieh, les rares agglomérations de maisons ou de cabanes auxquelles on donne le nom de villes se succèdent à la base septentrionale du Taurus, là où les ruisseaux d'eau pure descendus des montagnes ne sont pas encore taris et où, pendant la saison des fièvres, les indigènes sont à proximité des hauts pâturages pour les migrations annuelles. Karaman, jadis capitale de la province de Karamanie, se trouve déjà presque au cœur des monts, à 1900 mètres d'altitude. Eregli n'a guère plus de 1000 mètres, mais ses maisons se groupent sur une colline au-dessus de la région marécageuse. Kara bounar [Karapınar] ou « Noire Fontaine » est complètement abandonnée pendant l'été ; ses habitants quittent leurs exploitations de sel et de salpêtre dans les dépressions lacustres pour se rendre dans les yaïla du Karadja-dagh. Enfin, Nigdeh [Niğde], à l'extrémité orientale du bassin, est à 1500 mètres environ, au pied des contreforts de l'Ala dagh. Non loin, le village de Kiz-hissar, « Château de la Fille », ou Kilisi-hissar, « Château de l'Église », s'élève sur la « chaussée de Sémiramis » où avait été bâtie l'ancienne Tyane, patrie du magicien Apollonius. L’explorateur Hamilton a pu identifier la position de Tyane par la découverte de la fontaine jaillissante que les auteurs décrivent sous le nom d'Asmabaeus. Cette source, consacrée à Jupiter, forme un étang d'eau froide, saumâtre, légèrement sulfureuse, dont le bouillon central s'élève d'environ 50 centimètres au-dessus de la surface, sans que jamais le bassin déborde ; évidemment ce réservoir offre la même disposition que celle de nos jets d'eau ; le liquide s'élance par une ouverture centrale et fuit par une fissure du fond. La route commerciale et militaire suivie de tout temps d'Iconium à Tyane s'infléchit en demi-cercle pour longer la base des montagnes par Laranda et Cybistra, c'est-à-dire par Karaman et Eregli ; plus au nord, les marécages salins, le manque d'approvisionnements et d'eau pure rendent le voyage trop pénible pour qu'un nombre d'hommes considérable puisse s'y aventurer. Ainsi les contours du rivage et les crêtes parallèles des montagnes côtières se reproduisent exactement par la courbe de la grande route maîtresse sur les hauts plateaux. Dans cette région, le voyageur anglais Davis a récemment découvert des inscriptions hittites.

Séparés de l'Anatolie intérieure par de hautes montagnes, les rivages de la Cilicie Trachée n'ont que de petits havres, moins actifs que les ports d'autrefois, qu'alimentait alors le commerce de la populeuse Cypre. Alaya [Alanya], l'ancien Corakesion, est un village blotti au pied d'une roche insulaire qu'un isthme de sable rattache au continent ; Selinti, la Selinos des Grecs, n'est qu'un hameau ; Anemourion [Anemurion], sur le promontoire le plus méridional de l'Asie Mineure, n'est plus qu'une vaste nécropole et la bourgade d'Anamour [Anamur] s'élève à quelque distance des ruines, à l'embouchure d'un torrent. Plus loin, la crique de Tchalindreh, la Celenderis des anciens, est le port d'embarquement ordinaire pour l'île de Cypre. Quant à la roche -du Port Provençal, fortifiée jadis par les chevaliers de Rhodes, nul ne l'habile, et l'ancienne Séleucie (Selevké [Silifke]), à l'embouchure du Gök-sou (Calycadnus) [Göksu], n'est plus qu'un amas de masures.

[Mersin, Tarse]

Le mouvement des échanges a dû se reporter à l'est, sur les rivages de la Cilicie Champêtre, où vient aboutir la route diagonale de l'Asie Mineure et où des plaines et de fertiles vallées offrent une vaste zone de culture. Mersina [Mersin], le port commerçant de cette région, n'était, au milieu du siècle, qu'un petit groupe de cabanes entouré de myrtes, d'où le nom qui lui fut donné ; c'est actuellement une cité commerçante, dont le port, trop exposé aux vents du large, est bordé de quais et pourvu de jetées (1). La ville est en partie construite de fragments de marbre qui gisaient sur le sol, débris d’une cité grecque. A quelques kilomètres à l'ouest, d'autres ruines indiquent l'emplacement de la Soli des Argiens, où se parlait ce langage incorrect qui a fait donner aux tournures vicieuses le nom de ce solécismes ». Plus loin se voient les colonnades romaines de Pompeiopolis, qui menaient à un port ovale dont le quai d'enceinte est parfaitement conservé ; mais les boues ont comblé le bassin et les dunes du littoral se prolongent en travers de l'entrée. Un monument, plus curieux à certains égards, est le Derikli tach ou la « Pierre Debout », énorme pilier érigé peut-être avant les âges historiques : d'après Langlois, ce bloc, usé à la base par les chameaux qui viennent s'y frotter, a 15 mètres de hauteur, et son volume est de 120 mètres cubes (2) ; il pèse au moins 300 tonnes et peut se comparer aux plus puissants mégalithes de la Bretagne. Serait-ce un menhir ou plutôt un de ces piliers que les Phéniciens élevaient ordinairement par paires, à l'entrée de leurs temples (3) ?

Une excellente route moderne unit Mersina aux cités de Tarse et d'Adana. Tarse, située près de la rive droite du Cydnus ou Tarsous-tchaï [Tarsus cayı], sur la déclivité mourante d'un contrefort du Boulgar-dagh, est, parmi les villes fameuses de l'Asie Mineure, une de celles qui prétendent à la plus haute antiquité : d'après une légende orientale, le site qu'elle occupe est la première plaine qui s'assécha lors du retrait des eaux diluviales. Avant que les alluvions n'eussent comblé le port et lorsque le Cydnus était encore .navigable, Tarse était admirablement située pour devenir un centre de commerce, entre la Syrie et l’Asie Mineure, par les portes de Cilicie dont elle gardait l’entrée.

1. Mouvement du port de Mersina en 1880 : 110 000 tonnes. 
2. Victor Langlois, Voyage dans la Cilicie. 
3. G. Perrot, Notes manuscrites.

Aux temps de César et d'Auguste, elle était la rivale d'Alexandrie, qu'elle regardait par-dessus la mer. Ses écoles étaient considérées comme les meilleures du monde, comme supérieures même à celles d'Athènes, et ses philosophes allaient porter leur science dans l'Occident (1). La ville était devenue très riche et somptueuse, Marc Antoine en fit la capitale de son empire asiatique : c'est là qu'il épousa Cléopâtre ; Julien fut enseveli à Tarse. Mais les guerres ruinèrent la cité, la rivière qui la traversait s'éloigna vers l'est et cessa de porter des embarcations, le port se combla. Tarse resta perdue dans les terres. On n'y voit même plus aucun vestige de son ancienne gloire ; à peine quelques fragments antiques résonnent sous la pioche ; l'édifice le plus curieux est une mosquée que la tradition dit avoir été bâtie à l'endroit précis où naquit Paul, « l'apôtre des Gentils ». Non loin des murailles on a découvert un énorme dépôt de terres cuites, représentant surtout des figurines votives : là se trouvait probablement une fabrique de ces objets de sainteté (2). Après la Mecque et Jérusalem, un des principaux lieux de pèlerinage des musulmans est une grotte des environs de Tarse, une de ces nombreuses cavernes où la légende place le séjour des « Sept Dormants » (3).

En été, la ville devient insalubre et les habitants aisés s'enfuient dans les vallons du Boulgar-dagh, aux bains d'Ichmeh, à Kozneh, à Nemroun, à Gulek-bazar, près des Portes Ciliciennes. Ce qui fait la beauté de Tarse est son vaste jardin, verdoyante ceinture, d'où l'on entrevoit des arcades brisées, des piles chancelantes, débris d'un aqueduc romain ; mais toutes ces ruines paraissent mesquines, quand, au détour d'un sentier ombragé, on se trouve en présence de l'énorme Dunuk-tach, ou « Pierre Tombée ». Ce vaste quadrangle de maçonnerie, vide à l'intérieur, a l'air d'un gigantesque bloc. Vu des bords du Cydnus, à travers le branchage des cyprès et des arbres fruitiers, le Tach ressemble à une falaise de grès : on dirait une œuvre de la nature, comme il s'en rencontre souvent dans les pays bouleversés par les agents géologiques. Cet étrange édifice, évidemment très antique, a près de 90 mètres en longueur, sans compter les constructions accessoires ; sa largeur est de 42 mètres et sa hauteur de 8 mètres environ ; les plaques de marbre blanc qui revêtaient les murailles sont éparses sur le sol. Ainsi que des médailles la représentent, la puissante' masse aurait servi de piédestal à une statue de monarque portant l'arc et le carquois et se tenant debout sur un animal symbolique armé de cornes. Les fouilles pratiquées n'ont révélé ni son âge ni sa destination. 

1. Heuzey, Académie des Inscriptions et Belles lettres, 7 juillet 1876. 
2. Léon Heuzey ; — Burckhardt Barker, Lares and Pénates. 
3. V. Langlois, ouvrage cité.

Quelques savants y voient un lieu d'oracles ; d'après l'archéologue Langlois, qui s'appuie sur un texte de Strabon, ce serait le tombeau du premier Sardanapale, réfugié en Cilicie après la perte de son empire : l'édifice portait sans doute au sommet la statue colossale de style assyrien figurée sur de nombreuses monnaies de Tarse (1).

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