Cette lettre écrite en grec fut envoyée à de jeunes mariés grecs, Elie et Polyxeni Hristaki (ou Christaki), par la direction de l’hôpital Agios Haralambos à Smyrne/Izmir en 1871. C’est le sultan Abdülaziz qui règne à cette époque et la communauté grecque d’Izmir est alors très importante et prospère. Le commerce se développe grâce au port qui permet les échanges avec tout le bassin méditerranéen.

Une importante communauté orthodoxe grecque habitait alors à Izmir. Elle représentait, selon les sources, dans les années 1880, entre un quart et un tiers de la population de la ville. Dans l’empire ottoman, la communauté orthodoxe grecque constituait ce que l’on appelait un « millet », c’est-à-dire un groupe religieux non musulman qui bénéficiait d’une certaine autonomie, moyennant le paiement d’un impôt spécial, le « haraç », et de quelques autres taxations. Il disposait aussi d’un tribunal particulier en matière de statut personnel (divorce, etc). Les millets pouvaient aussi financer ou gérer des projets comme la construction d’hôpitaux, comme c’est la cas pour l’hôpital Agios Haralambos.

La lettre de l'hôpital grec de Smyrne/Izmir

Dans cette lettre, les éphores (intendants) de l'hôpital félicitent les deux jeunes mariés, Elie et Polyxeni Hristaki. Ils signent tous cette lettre.

On ignore quels étaient les liens entre ces jeunes mariés et l’hôpital. Y étaient-ils employés ? Etaient-ils des donateurs ou appartenaient-ils à la  famille d’un donateur ? Ou ces félicitations étaient-elles envoyées à tous les jeunes mariés de la communauté orthodoxe de Smyrne/Izmir ?

lettre de l'hôpital grec,1871

lettre de l'hôpital grec,1871

Texte grec

Γραικικον Νοσοκομειον Σμυρνης

Προς τους Πολυτιμους Νεόνυμφους κύριον Ιλιαν και κύριan Πολυθενην Χρηστακη

Η του Ιερου Νοσουέιου Εφορια, εν ονοματε παντων των εν τω Καδiθρυματi κατακειμενων απορων ημων αδελφων, λαμβανει την τιμην του διαβεβασαι υμιν, επε  τη ευτυχει περιστασει των γαμών υμων, δα ειλευρενη συγχαρητηρια αυτης, και τας, προς τον Υψεστον ενθερμους δεησεις και ευχας των μνησθεντων, οπως εν υγεια, ευτεκρια, ευημερια και παντε ανθρωπενω αγαθω Μαθουσαλειον διανυσητε τον ευαγγελικον υμων Βιον. ων ενευε πεμπει υμιν και τον δε ιδιαιτερας λειτουργιας καθαγιασθεντα αγιον αρτον, προς μνημοσυνον τησ ακρας αυτων χαρας και αγαλλεασεως.

δεχασθε, Πολυτιμοι Νεονυμφοι, και τας ιδιας ημων ευχας, και βαθυτατην ημων υποληθεν, μεθων και δεατελουμεν.

Εν Σμυρνη την 23 Ιουλεου 1871        θi υμέτεροι Συμπατρεωται

Οι Εφοροι του Γραικικου Νοσοκομειου

Essai de traduction

Aux très précieux jeunes mariés, Monsieur Ilian et Madame Polyxeni Hristaki,

L'intendance du Saint Hôpital, au nom de tous nos frères indigents qui sont soignés dans cet établissement, a l'honneur de vous féliciter, à l'occasion de votre mariage, et vous adresse ses sincères félicitations, ainsi que les prières et les vœux les plus fervents de ceux qui se souviennent de vous, afin que vous puissiez mener votre vie évangélique dans la santé, la prospérité, le bonheur et tous les biens humains. Il vous envoie également le pain sacré, sanctifié par une cérémonie spéciale, en souvenir de leur joie et de leur allégresse extrêmes.

Recevez, chers jeunes mariés, nos vœux les plus sincères et notre profonde estime, accompagnés de nos prières et de nos bénédictions.

À Smyrne, le 23 juillet 1871
Vos compatriotes
Les éphores de l'Hôpital Graikiko
[Avec toutes les signatures]

 

 

lettre de l'hôpital grec,1871


A la fin de la lettre, le cachet porte la mention « Γραικικον Νοσοκομειον Σμυρνης 1748 » et « Αγιος Χαραλαμ [Agios Charalam] », pour Agios Charalambos (saint Charalambe de Magnésie) qui est représenté au centre du cachet. A droite du cachet, les signatures des éphores.

L’hôpital Agios Haralambos (To Graekikon Nosokomion o Agios Haralampos)

Vital Cuinet, dans son ouvrage « La Turquie d'Asie : géographie administrative, statistique », Volume 3, 1894, parle de cet hôpital : 

« L'hôpital grec-orthodoxe de Saint-Kharalambo [Agios Haralambos], fondé en 1848 par la communauté grecque orthodoxe au moyen de cotisations volontaires et entretenu de même, est le plus important de la ville. Il contient 300 lits, et quatre médecins sont chargés du service quotidien. »

« L’Indicateur des professions commerciales et industrielles de Smyrne, de l'Anatolie, des côtes, des îles, etc. », Impr. Timoni (Smyrne), 1896, page 40, indique :

« Bâti par la contribution de la communauté orthodoxe ; cet hôpital s’est aménagé un grand corps de bâtiments comprenant des salles pour les malades pauvres, les vieillards et les incurables . 

Une nouvelle aile vient d’y être ajoutée grâce à la générosité incomparable de Monsieur D. Kupédjoglu. 

Un service médical et chirurgical fonctionne chaque jour régulièrement, ainsi qu’une section d’accouchement, attend les patientes.

Les legs particuliers, qui laissent en mourant les notables de la colonie, servent à l'entretien de cet hospice — Il est administré par une Ephorie, dont les membres, sont renouvelés tous quatre ans. »

L’hôpital était situé à l’emplacement de l’actuel hôpital pour enfants Behçet Uz Çocuk Hastanesi, sur le boulevard Şehit Nevres. Il a été détruit lors du grand incendie de 1922 qui a vu la destruction d’une très grande partie de la ville.
Il avait été fondé en 1723, puis après avoir brûlé, avait été reconstruit en 1804, rénové, agrandi et modernisé plusieurs fois. C’était le plus grand hôpital de Smyrne, avec une partie pour les malades mentaux et une maison de repos pour les personnes âgées.

Il fonctionnait comme un réseau de santé publique moderne, en collaboration avec des pharmacies de quartier, des églises et la communauté orthodoxe grecque locale, assurant même des vaccinations.

La qualité de ses soins était réputée et il accueillait toutes les communautés, grecs ou arméniens, musulmans, européens, riches ou pauvres. Il dût faire face à des épidémies de peste, de choléra, de variole etc  On y pratiquait la chirurgie pour les hommes et les femmes, l’obsétrique, la radiographie au début du XXe siècle etc (source : https://mikrasiatis.gr/to-graikiko-nosokomeio-smyrnis-o-agios-charalabos/)

D’Izmir à Paris

Le document du consulat de Grèce à Paris et daté du 6 août 1920 concerne Etienne, le fils  du couple, né trois ans après leur mariage, à Constantinople / Istanbul, le 7 avril 1874 et originaire de Smyrne (Izmir). On peut imaginer que ses parents s’étaient installés ou avaient séjourné, pour le travail ou pour des affaires, dans la capitale ottomane où leur fils est né.

Certificat consulat Grèce 1920

Ce document est l’équivalent d’un acte de naissance. Il est probable qu’Etienne C., alors âgé de 46 ans, a fui la guerre gréco-turque et s’est réfugié en France avant août 1920, la Grèce ayant envahi la région de Smyrne/Izmir à partir du 15 mai 1919 et la guerre s’y étant achevée avec la reprise de la ville par l’armée turque et le grand incendie de 1922 qui fit de nombreuses victimes.

En 1923, par le traité de Lausanne, les populations grecques durent quitter le Turquie pendant que les populations turques partaient de Grèce.

 

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