François Alphonse Belin (1817-1877), orientaliste français, publia de nombreuses études sur la Turquie dont celle-ci consacrée au droit de la propriété dans les pays musulmans et en Turquie, droit qui venait d'être réformé par le sultan.

Le droit de la propriété dans l'Empire ottoman est un mélange de droit musulman et de timar. Le timar (distribution de terres aux anciens soldats) s'inspire des Seldjoukides, des Byzantins et des Romains (des terres étaient données aux anciens soldats romains).

Les terres sont divisées en trois catégories :

  • timâr : c'est une concession fiscale, les sipahis perçoivent les taxes payées par les paysans qui auraient dûes être versées à l'état. En échange, ils combattent pour le sultan et fournissent et arment des soldats. Le timar n'est pas héréditaire, mais les fils de sipahi deviennent souvent sipahi et ont donc droit à un timar.
  • zamet : ressemble au timar, mais avec des revenus plus élevé, attribué à l'entourage du Palais et aux hauts fonctionnaires
  • khâss : propriétés du sultan, des vizirs et des princes

Pendant cette période, le système évolua et certaines terres furent "privatisées".

En 1858, le code foncier est réformé en profondeur par le sultan Abdulmedjid Ier. 

La terre est alors classée en cinq catégories : 

1° La terre mulk, propriété appartenant, de la manière la plus absolue, aux particuliers. 

2 ° La terre miriïè, domaine public, propriété de l'État, mais laissées à l'usage des paysans. 

3° La terre mevqoufè bien de mainmorte, non sujette à mutation, appartenant à des fondations religieuses. 

4° La terre metroukè, laissée (pour l'usage public : toute la population ou un ou plusieurs villages). 

5° La terre mévât, morte (terres incultes, montagnes etc)

Nous reproduisons la partie consacrée à la Turquie de l'ouvrage de F. A. Belin :

Etude sur la propriété foncière en pays musulman, et spécialement en Turquie (rite hanéfite), par M. Belin, officier de l'ordre impérial de la légion d'honneur, secrétaire-interprète de l'ambassade de France à Constantinople. 
Paris. Imprimerie impériale. M DCCC LXII (1862). Extrait n° 9 de l'année 1861 du Journal asiatique 

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Présentation extraite de Gustave Dugat, Histoire des orientalistes de l'Europe du XIIe au XIXe siècle, Maisonneuve, 1870

"Dans ce long mémoire, Belin traite des questions très importantes et qui avant lui n'avaient été qu'incomplétement étudiées : origine de la propriété, butin provenant du Djihâd (guerre sainte) ; fortune publique ; impôt personnel ; impositions diverses, comprises sous le nom générique de Zekiât, aumône ou taxe pour l'assistance publique ; Wakoufs, ou biens de mainmorte ; revivification des terres mortes ; concessions souveraines; nouveau droit des personnes et de la propriété, introduit par le Tanzimat et ensuite par le Khatti-humaïoun du 18 février 1856 ; loi régissant actuellement la propriété foncière en Turquie, et en particulier le domaine de l'Etat."

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A lire sur le sujet
Aksoy  S.  Les systèmes de propriété foncière en Turquie.  In : Jouve A.-M. (ed.), Bouderbala N. (ed.). Politiques foncières et aménagement des structures agricoles dans les pays méditerranéens : à la mémoire   de   Pierre   Coulomb. Montpellier  :  CIHEAM,  1999.  p.  41-45  (Cahiers  Options Méditerranéennes; n. 36), http://ressources.ciheam.org/om/pdf/c36/CI020474.pdf

Avant-propos. 

L'oeuvre de réorganisation entreprise en Turquie par Sultan Mahmoud, et continuée par son successeur, Sultan Abdul-Medjid (1) a provoqué, dans ce pays, une modification radicale des lois en vigueur, par l'introduction de mesures en harmonie avec les institutions nouvelles, et destinées à remplacer, dans la plupart des cas, le droit ancien qui, jusqu'alors, avait régi les Etats de la monarchie ottomane. Une sorte de conseil d'état, investi en même temps des attributions d'un sénat conservateur, sous le nom de medjlici-valaï-tanzimât (2) fut chargé de l'élaboration des lois qui devaient opérer la réforme législative, et reçut la mission de s'inspirer de l'esprit de la jurisprudence européenne, tout en conservant à la législation locale son type et son caractère originels. 

1) Né le 11 chaban 1238 (23 avril 1823), ce prince succéda à son père, Sultan Mahmoud, le 18 rebiulakher 1255 (1er juillet 1839). Mort à Constantinople, le 25 juin 1861, à sept heures du matin (17 zilhidja 1277). Son frère et successeur, Sultan Abdul-Aziz, proclamé et reconnu solennellement dans la même journée, recevait, vers les deux heures de l'après-midi, les hommages des hauts fonctionnaires de l'empire. 

2) Le conseil suprême du tanzimât fut créé le 12 novembre 1854; on peut consulter, sur sa constitution et ses devoirs, la Gazette d'état (taqvîmi-véqâî, du 14 djemazi-akher 1271 (3 mars 1855). — Par un khat du nouveau monarque, Sultan Abdul-Aziz, lu à la Porte le 6 mouharrem 1278 (14 juillet 1861), le medjlici-tanzimât a cessé de former un corps séparé et distinct; il est réuni au medjlici-ahkiâmi-adliiè, (conseil suprême de justice.) Par la nouvelle organisation qui lui est donnée, et qui, à certains égards, rappelle les attributions de nos anciens parlements, le medjlici-ahkiâmi-adliiè est divisé en trois chambres : la première, administrative ; la seconde, législative, chargée de l'élaboration des lois et règlements émanant de l initiative souveraine ; la troisième, judiciaire, c'est-à-dire haute cour de justice, chargée de l'examen des affaires criminelles dont le jugement lui est dévolu par la loi. (Voyez Djéridéî-havâdis, journal turc imprimé à Constantinople, du 6 mouharrem 1278.) 

Parmi les lois préparées dans le sein de ce conseil, et promulguées en vertu de l'initiative souveraine (qânoun, au pluriel qavânîn), vient se placer au premier rang le Code sur la propriété foncière (1), l'un des plus importants, sans contredit, au point de vue de la constitution sociale et politique de l'empire. 

Il Pour comprendre les diverses conditions sociales d'un peuple, a dit M. Guizot (2), il faut connaître la nature et les relations des propriétés. Originairement, c'est l'état des personnes qui a déterminé l'état des propriétés territoriales ; selon qu'un homme était plus ou moins libre, la terre qu'il occupait a pris tel ou tel caractère. L'état des terres est ainsi devenu le signe de l'étal des personnes ; on s'est accoutumé à présumer la condition politique de chaque homme d'après la nature de ses rapports avec la terre où il vivait; et comme les signes deviennent promptement des causes, l’état des personnes a été enfin, non-seulement indiqué, mais déterminé, entraîné par l'état des terres ; en un mot, les conditions sociales se sont, pour ainsi dire, incorporées avec le sol. » 

1) Texte turc, imprimé à Constantinople, à l’imprimerie de la Gazette d'état, et formant un fascicule de 28 pages grand in-8°, dont je donnerai la traduction au ch. XI ci-après. On a publié à Boulaq, en 1839, 1840 et 1842, trois éditions successives d'un qânoun-ez' zirâ 'at, ou code agricole appliqué à l'Egypte. (Voy. Journal asiatique, juillet-août 1843, p. 50, 52 et 57, le Catalogue, donné par M. Bianchi, des livres arabes, turcs et persans, imprimés à Boulaq.) 

2) Essais sur l'Histoire de France, édition Charpentier, p. 76 et suiv. 

Considérée sous ces divers rapports, il m'a semblé que l'étude de la nouvelle loi édictée par le gouvernement turc sur la propriété foncière n'était pas dénuée d'intérêt et pouvait offrir des points de comparaison curieux à établir; le travail que j'ai entrepris dans ce but m'a fait remonter jusqu'aux sources et m'a déterminé à essayer de tracer, d'après l'état des terres et des personnes, le tableau de la constitution sociale et politique de la société musulmane dès l'origine, les différentes phases qu'elle a traversées, et, par suite, les modifications qu'elle a subies jusqu'à nos jours. 

Le droit musulman, en général, a été déjà traité par d'illustres savants, tels que les Anquetil-Duperron (1), les d'Ohsson (2), les Silvestre de Sacy (3), les Hammer (4) ; plus récemment, par M. le docteur Worms (5), feu Ducaurroy (6), M. Perron (7), et enfin par M. de Tornauw (8) ; aussi est-ce avec une sorte de timidité que j'aborde cette matière. 

1) Législation orientale. Amsterdam, 1778. 

2) Tableau général de l'empire ottoman. Paris, 1788- 1824, t. 1 à VII, in-8°. 

3) Recherches sur la nature et sur les révolutions du droit de la propriété territoriale en Egypte, depuis la conquête par les musulmans, jusqu'à l'expédition française. Trois mémoires insérés dans les Mémoires de l'Institut: n° 1, dans le t. j, Paris, 1818, Imprimerie royale; n° 2 et 3, dans les t. V, VI et VII du même recueil. 1823. 

4) Des osmanischen Reich's Staats-Verfassung ..... par Hammer. Vienne, 1815, 2 vol. in-8°. 

5) Recherches sur la constitution de la propriété territoriale dans les pays musulmans..... publiées dans le Journal asiatique, années 1842, 1843 et 1844. 

6) Législation musulmane sunnite, rite hanéfi. Même recueil, années 1848-1853. 

7) Précis de jurisprudence musulmane, rite malékite, d'après Sidi-Khalil. 6 vol. gr.in-8°, I848 et suiv. texte arabe, publié, aux frais de la Société asiatique, par M. Richebé, sous la direction de M. Reinaud. Paris, 1858. Je citerai également une sorte de codification de la législation musulmane, par MM. Joanny Pharaon, et Dulau, avocat, publiée dans la collection des Législations anciennes et modernes. Paris. 1839. in-8°. 

8) Das moslemische Recht. Leipzig, 1855, in-8°. M. Eschbach, professeur à la faculté de Strasbourg, l'a reproduit en français sous ce titre : Le droit musulman exposé d'après les sources. Paris, 1860, in-8°. 

Toutefois, procédant de l'idée exprimée plus haut, c'est-à-dire l'examen de la condition primitive de l'état des terres et des personnes, pour arriver, en suivant les diverses transformations opérées, jusqu'au régime actuel, je me suis borné à étudier le droit musulman à un point de vue unique et spécial, d'après la doctrine hanéfite (1) exposée dans la Multeqa (2), et, me renfermant dans les limites de ce cadre, j'ai classé comme suit les différentes parties de cette étude, pour laquelle je sollicite, au préalable, l'indulgence de mes lecteurs. 

CHAPITRE Ier. Origine de la propriété. —Titre Ier. Exposé général (nos 1 à 8). — Titre II. Guerre sainte, dite djihâd (n° 9 à 14). 

CHAPITRE II. Butin provenant du djihâd; son partage (n° 15 à 27). 

CHAPITRE III. Fortune publique. — Titre Ier. Domaine privé (n° 28 à 35). — Titre II. Taxes frappées sur la terre (n° 36 à 54). — Titre III. Domaine public (n° 55 à 88). 

CHAPITRE IV. Impôt personnel. — Titre 1er. Capitation (djizié) sur les tributaires (n° 89 à 108). — Titre II. Abolition du djizié, remplacé par la contribution militaire (nos 109 à 112). — Titre III. Condition des étrangers (n° 113 à 117)

1) L'une des quatre doctrines orthodoxes, c'est-à-dire celle d'Imami-Aazemabou-Hanifa-el-Kouu-Noman ibn Thabit, né en 80 de l'hégire (699 de J.C.), mort à Bagdad l'an 150 (767 de l'ère vulgaire). — Consultez, pour la biographie de ce chef d'école, dont la doctrine est principalement adoptée par la cour ottomane, d'Ohsson, loc. laud. I, p. 11 et suiv.; Tabaqât-eloumem, édit. de Boulaq, p. 277 et suiv. — Je mentionnerai, à celte occasion, l'extrait donné par le Journal de Constantinople (4 juin 1861) d'une lettre de M. d'Escayrac de Lauture, écrite de Shang-Haï, le 20 février, même année, et donnant des détails curieux et intéressants sur l'état de l'islamisme en Chine. D'après le récit de ce voyageur, les habitants de ce pays appartiennent aussi au rite hanéfite. On lit dans le Khataï-nâmè (version turque de mon manuscrit), que les musulmans, à l'époque où cette relation fut écrite, jouissaient en Chine d'une grande considération; que le Khagan avait fait élever à ses frais, dans Khanbâligh même (Pékin), quatre mosquées, et quatre-vingt-dix mosquées et djamis dans les provinces du Khataï. (Voyez, sur cet ouvrage, feu Et. Quatremère, Journal asiatique, septembre 1836, p. 204.) 

2)  Recueil de jurisprudence, composé en arabe par Ibrahim el-Haleby, mort à Constantinople, en 906 (1549 de J. C.), et commenté en turc par Mehemmed-elmevqoufati. Edit. de Boulaq, a vol. in-folio, 1256 (1840). —  Consultez, sur ces personnages, d'Ohsson, loc. laud. 1, p. 2 a et suiv. 

CHAPITRE V. Impositions diverses, comprises sous le nom générique de zekiât, aumône ou taxe pour l'assistance publique (n" 118 à 139). 

CHAPITRE VI. Emploi des revenus publics (n" 140 à 150). 

CHAPITRE VII. Vaqoufs. — Titre Ier. Origine des biens de mainmorte dans l'islamisme (n° 151 à 173). — Titre II. Législation des biens civils de mainmorte (n" 174 à 196). — Titre III. Législation des biens religieux de mainmorte (n° 197 à 220). 

CHAPITRE VIII. Revivification des terres mortes.— Titre Ier. Exposé général (n° 221 à 238). — Titre II. Dispositions légales (nos 239 à 256). 

CHAPITRE IX. Concessions souveraines. — Titre Ier. Bénéfices (nos 257 à 294). — Titre II. Constitution des anciens bénéfices militaires en Turquie (nos 295 à 355). — Titre III. Guédiks ; concessions spéciales, relatives à l'exercice d'un métier, d'une profession (nos 356 à 380). — Titre IV. Résumé de l'ancienne législation sur l'état des terres et des personnes (nos 356 à 364). 

CHAPITRE X. Nouveau droit des personnes et de la propriété, introduit par le Tanzimât, et ensuite par le Khatti-humaïoun du 18 février 1856 (art. 1 à XXXVIII). 

CHAPITRE XI. Loi régissant actuellement la propriété foncière en Turquie, et, en particulier, le domaine de l'État (art. I à CXXXII). 

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